Ce que j'écris, pourquoi, pour qui et les surprises de mon parcours littéraire

vendredi 24 juin 2022

Page blanche

En sommeillant, entre 2 lignes (de coke), sur des lauriers qui n’ont pas eu le temps de flétrir ni d’éclore, je n’ai jamais, au grand jamais, été saisie du cauchemar censé tourmenter les femmes et les hommes de plume : la page désespérément blanche, la panne d’inspiration. Moi, connais pas. L’écran de mon ordi se couvre sur commande de mots, de phrases, de paragraphes, de chapitres qui s’enchaînent jusqu’au mot fin, là où commence une autre histoire : se faire publier, puis toucher la presse, les libraires et les organisateurs de manifestations littéraires. Bref, ce qui s’appelle courir après l’éditeur, courir après le lecteur. Dans ce domaine, je suis une coureuse de fond.

Mais avant, lors de la phase création, je n’ai jamais haleté le long de la marge, un bidon vide à la main, guettant le mirage d’une station-service providentielle. J’ai l’impression d’être branchée 24 heures sur 24 sur une pompe à idées. Il m’en vient dix à chaque pas. C’est une question d’exercice : des idées, plus on en a, plus on en trouve.

Un jour, alors que mon Diabolo pacte n’était pas encore publié, mon parrain littéraire, Jean-Claude Ponçon, me raconte une histoire autour du sujet de ce qui n’était pas encore un livre :

― Il (le candidat à la publication) écrit à tout le monde, aux notaires, etc.

Et de conclure :

― Je vous donne une idée.

Nous n’en étions pas encore arrivés au tutoiement. Je n’ai pas relevé, n’ayant nul besoin des idées des autres, fussent-ils écrivains reconnus. Car, pour qu’elle fasse œuvre d’art, cette idée, faut-il encore qu’elle fasse nécessité dans l’intimité de l’auteur.

La création, c’est-à-dire puiser dans son imaginaire des idées et des histoires, est source d’immenses joies. C’est ma raison d’être d’écrivain. À ce stade-là, je me préoccupe peu de savoir s’il y aura un éditeur, un lectorat, si ce n’est que je ne souhaite pas écrire le même livre que le précédent, étirer un chewing-gum devenu insipide à force d’être mâché. Mais peut-être après tout que le lecteur, fidèle à tel auteur, a-t-il envie de retrouver le goût de sa friandise préférée. Écrivant dans des registres différents, notamment de la science-fiction, je ne puis promettre au lecteur qu’il retrouvera dans mon prochain livre ce qui lui avait plu dans le précédent, si ce n’est l’imagination, laquelle est, par définition, imprévisible.

Ces réflexions n’en finissent pas de me donner des idées noires. C’est qu’un livre sans lecteur est lettre morte, une idée qui n’est pas partagée une idée en l’air.

À propos de partage, ce blog ne demande qu’à l’être : partagé. Certes, un excellent exercice qui m’oblige chaque semaine à renouveler mon inspiration mais, sur le fond, le moyen de dévoiler, petit bout par petit bout, mon vécu d’écrivante. Novlangue, quand tu nous tiens !



  

samedi 18 juin 2022

La roue tourne

Le vélo mène à tout, y compris aux journalistes, pour peu qu’on emprunte les bonnes routes, friandes de haies et de fossés, avares de véhicules motorisés, avec en point de mire le clocher de charmants villages.

C’était l’été, celui qui allait se terminer par le début d’une aventure : celle du 1er roman publié. Diabolo pacte était en cours de fabrication et, ce mois d’août, j’écumais les libraires de la région toulousaine, débordant sur les départements limitrophes, en quête de séances de dédicace.

C’était un dimanche. En duo, nous avons franchi le Tarn, la rivière, et montions en pente douce vers Salvagnac, première étape sur la route des bastides. Chaque fois, un grand bonheur d’apercevoir sous un azur de carte postale les bâtisses hésitant entre le rose et l’ocre couronnées de tuiles romaines ! Nos vélos sont sur la crête et, à notre droite, un espace couvert de gazon accueille des tables. Sur l’une d’elles, des livres se posent sur de petits chevalets. Nous approchons, posons nos vélos. C’est ainsi que nous fîmes connaissance de Jean-Jacques Rouch. Nous découvrons les titres des romans que nous lirons par la suite : Les yeux d’Izarn, Le maître du safran. Car Jean-Jacques Rouch est écrivain. Ma chance d’être deux face à la table c’est que je suis dispensée de parler de la sortie prochaine de Diabolo pacte. C’est Jean-Paul qui met le sujet sur le tapis. Jean-Jacques Rouch me propose alors de lui amener mon livre à la Dépêche du Midi pour un éventuel article si le livre lui plaît.

Je l’ignore mais je suis en train de charger mon porte-bagage d’un sacré avantage : à l’automne, Jean-Jacques m’annoncera au téléphone :

J’ai beaucoup aimé votre bouquin.

Et j’aurai des articles. Que les auteurs qui désespèrent en ces termes :

Avoir de la presse ne fait pas vendre.

Que ceux-là se rassurent :

N’avoir aucune presse ne fait pas vendre davantage.

Je rencontrerai à maintes reprises Jean-Jacques, parfois avec son frère en journalisme, Michel Baglin. Lors de mon premier salon du livre, où nous devions tous deux être primés, mon amie Claudine devait retrouver Jean-Jacques, un ancien camarade du lycée Raymond Naves. Quelques jours plus tard, il serait sur son palier, casque sous le bras (Jean-Jacques circulait à scooter) pour lui dire que la Dépêche n’avait pas encore fait passer l’article sur sa copine. Je me souviens de la réaction de Claudine, déplorant avoir raté sa vie en ne faisant paraître aucun livre. J’ajouterai un bémol : avant de publier, il faut quand même avoir écrit et, pour écrire, en sentir la nécessité. En l’absence de cette dernière condition, on n’a rien manqué du tout.

Avant d’envier les gens, il faudrait envisager ce que la vie leur réserve.

Car la vie est chienne, frétillante de la queue, tout sourire, puis montrant brusquement les crocs. La maladie allait planter les siens dans les os de Jean-Jacques avant de l’emporter en 2016.

Quant à moi, je demeure fidèle au guidon. En pédalant, surtout dans les difficultés, j’oublie les sujets qui fâchent et me dis que c’est merveille de conserver une santé à même de me propulser en haut des cols. Quant à la littérature, je ne trouve nullement matière à me pousser du col.

Salvagnac dans le Tarn



lundi 6 juin 2022

Plaisirs de table

Quand le livre est tiré, il faut le vendre. Plus fastoche de descendre un Mont Ventoux (le vin) ou même de le grimper (le col) que de faire baisser la pile de livres sur la table de dédicace. Un talent de bateleur peut faire d’un auteur inconnu une perle rare que s’arracheront les libraires. L’exercice est ardu, personnellement me paraît monumental : exaltant quand il est réussi, décourageant quand sèche le stylo. Pourtant, j’y ai récolté, parmi la tourbe, quelques diamants étincelants.

C’est lors d’un salon du livre que j’ai fait la connaissance de Nathalie Glévarec et d’Eva Kopp.

Remontons le fil jusqu’en l’an I. Première dédicace de mon 1er roman, Diabolo pacte. Je me suis déplacée dans le Tarn et Garonne, à librairie presse de Caussade. Et elle se tient devant moi, ma toute première fois, au moins aussi intimidante que les autres. Elle s’appelle Hubert, avant d’être à la retraite occupa le poste de fossoyeur et, non content d’être ma toute première dédicace, persuada une cliente de tenir le rôle de la deuxième. Un fossoyeur comme première signature augurait-il d’une mise en terre de mes espérances ?

Le samedi d’après, à Ax-les-Thermes, elle riait comme une bossue devant la quatrième de couverture cette dame d’un certain âge qui déplorait :

Je suis une retraitée pauvre.

Je suis en effet entrée sur le marché du livre dans la foulée de la crise des subprimes.

Je me souviens de ma première radio, FMR, une radio de jeunes, où je me suis sentie à l’aise pour présenter mon Diabolo pacte après que mon interviewer se fût quelque peu égaré. Tout micro éteint, il m’a prié de l’excuser, alors que j’étais loin de regretter un dérapage épiçant l’interview :

Je suis plus à l’aise avec les écrivains morts.

Passons à la vitesse supérieure : ma première télé avec l’excellent Greg Lamazères de la regrettée chaîne Télé Toulouse. Maquillée comme une star, étouffant de trac, je fais connaissance de Michel Baglin, journaliste à la Dépêche du Midi, poète, nouvelliste et romancier. Je croiserai Michel plusieurs fois. Des mois plus tard, alors que j’étais en quête d’un éditeur pour mon 2ème roman, Elwig de l’Auberge Froide, il m’a confié qu’il avait eu un temps les honneurs de la presse nationale et cru que le succès pointait le bout de son nez. Et puis, Pschitt ! J’ai encore en tête son conseil  :

Il faut écrire parce qu’on aime ça.

Michel est parti en 2019, le 8 juillet, 4 jours après ma mère, de 20 ans son aînée.

Donc premier passage à la télé dont je récolterai les fruits. J’entendrai, derrière ma pile de Diabolo pacte, la formule magique :

Je vous ai vu à la télé. Puis-je avoir une dédicace ?

Plus de télé mais le covid, le pass sanitaire qui devient vaccinal. La semaine où je devais passer à la radio et présenter Poussière de sable, l’épopée euskalienne, lors d’un dîner littéraire, et passer sur les ondes de Radio Occitanie est la première de deux mois de confinement. L’année d’après, mon éditeur et moi-même travaillons à la publication de Poussière de sable, Légendes ourdiniennes. Privée de salons et de dîners, je décide de concrétiser un projet de longue date : mon site internet. Finalement, j’opte pour Blogger, libre de pubs, avec un blog où je parlerai à mes lecteurs, anciens et peut-être futurs. Il m’est en effet plus facile de communiquer derrière l’écran blanc de mes humeurs, noires ou roses, que derrière une table.

Une question me tarabuste depuis longtemps : L’auteur est-il le plus à même de parler du contenu de son livre ? Proche de la transe, j’ai la sensation que ce que j’écris me passe au-dessus de la tête. Mes personnages s’emparent de leur destin en interaction les uns avec les autres. Mes lecteurs y voient mille choses dont je n’ai pas conscience. Suis-je la mieux placée pour en parler ? J’avoue que je demeure dans le brouillard. Ce que je peux dire c’est que quand on s’arrête devant ma table et me demande une dédicace, il fait très beau.

Salon du livre de Paris


jeudi 26 mai 2022

Les synchronicités font parfois les romans

Dans la série « belles rencontres » je vais vous en conter de bien surprenantes. Elles ne portent pas de prénoms, il ne s’agit pourtant pas d’extraterrestres mais de phénomènes bien humains mis en relief en son temps par Carl Gustav Jung sous le terme éloquent de synchronicités. Deux éléments sans rapport l’un avec l’autre se télescopent et font sens. Par exemple, vous pensez à x, votre téléphone stridule, vous appuyez et vous reconnaissez la voix de x auquel vous vous empressez de confier :

Justement, je pensais à vous.

Cela m’est arrivé 50 fois et des trucs encore plus frappants mais ce blog est un blog littéraire, donc voici les synchronicités les plus parlantes qui sont survenues lors de mes travaux d’écriture.

Dès que j’ai entamé Poussière de sable, je me suis posée la question : quel vocabulaire employer pour décrire des mondes imaginaires et donner ce qui tient lieu de parole à des aliens ? Euskaliens, gogorkis, somoraks, ce sont des mots basques que certains de mes lecteurs ont d’ailleurs reconnus.

Pourquoi le basque ? Je ne le parle pas ni ne le comprend mais certains de mes ancêtres maternels venaient de la Soule. D’autre part, quand j’ai commencé le roman avec l’idée de confronter deux espèces personnifiant l’une pour l’autre l’étrangeté et l’altérité, j’ai cherché à créer un vocabulaire adéquat. On m’a offert à cette époque un livre sur les légendes peuls. Je n’ai pas réussi à entrer dedans. En même temps j’avais lu quelque part que les Basques seraient un peuple protohistorique ayant survécu à la dernière glaciation. Alors je me suis souvenu des mots que prononçait ma grand-mère et j’ai acheté un dictionnaire franco-basque. J’ai commencé à nommer mes personnages. L’un d’eux s’appelle Kastouch, c’est simplement l’abréviation de mon ancêtre basque : Castouchouarrena. Quand il a été question de nommer mon grand maître ès Suggestion, j’ai inventé un mot pour désigner cette personnalité centrale : Iradoki. Plus tard, pour voir si ce mot a un sens, la curiosité m’a poussé à ouvrir mon dictionnaire en cherchant ce mot Iradoki. Là j’ai manqué tomber à la renverse. Iradoki figurait dans mon dictionnaire et sa signification correspond au-delà de ce que je pouvais imaginer à l’idée que je voulais lui donner. Iradoki signifie en basque… suggérer. Je pouvais tout imaginer à propos de la vivacité de ma culture basque inconsciente.

J’ai voyagé avec Elwig de l'Auberge Froide durant 6 ans, à pied, à cheval, à vélo, à travers l’Europe des berges du Tarn à Kaliningrad et de 1805 à nos jours. Dans l’une de ses incarnations Elwig voyage à vélo le long du Danube tandis qu’un étrangleur la guette au détour d’un virage. Vous vous doutez de l’issue. Donc j’étais immergée dans cette histoire qui me hantait jour et nuit jusque dans mes rêves. Le clavier au repos, j’allume la télé et tombe par hasard sur une émission traitant de vieilles affaires criminelles et que je ne connaissais pas. Quand on est en train de bâtir un thriller, on absorbe tout ce qui peut nourrir sa trame. Donc, je suis suspendue à l’écran. Le choc : la future victime, Janet Marshall, circulait à travers la France à bord d’un vélo lesté de sacoches quand son assassin a mis un terme à son voyage. Son corps fut retrouvé le 28 août 1955 dans un fourré sur la commune de Belly-sur-Somme et l’enquête qui piétinait trouva son épilogue le 11 janvier 1956. Robert Avril, le coupable, avait été libéré du bagne en juillet. Preuve en est que déjà se posait la question de la récidive et de l’insécurité pour une femme à emprunter en solitaire des itinéraires peu fréquentés. Mais, ce qui fit tilt dans ma tête fut la confrontation des dates : 1955, mon année de naissance. Avril (le patronyme de l’étrangleur), mon mois de naissance et le 11 janvier, jour de naissance de ma mère.

Billevesées, me direz-vous. Libre à vous de le penser. Voici le lien vers l’affaire Janet Marshall. Quant à moi, je n’ai jamais vécu le genre de synchronicité sur lequel fantasment les auteurs : me trouver dans le métro et découvrir que la personne en face est en train de lire un livre qui n’est autre que l’un des miens.

Une route, en Roumanie



jeudi 19 mai 2022

Eva Kopp, des sourires et des lettres

 Après Nathalie Glévarec et François Aronsohn, j’ai eu la chance de faire la connaissance d’Eva Kopp, écrivain pour les grands et les petits, animatrice radio, chroniqueuse, scénariste, j’en oublie sûrement. C’est qu’elle a plus d’une corde à son arc. C’était le 5 mai 2018 dans un salon du livre au centre de Toulouse. Eva, dont le 1er roman, L’enfant du tsunami, était sorti à Genève chez le même éditeur que le mien m’a demandé de lui dédicacer Elwig de l’Auberge Froide, en m’apprenant que les auteurs publiés à compte d’éditeur se comptaient sur une main de menuisier ayant abusé de la scie circulaire : 1 sur 3000. D’origine alsacienne, Elwig a dégusté mon thriller franco-allemand dont l’histoire débute en pleine canicule à la morgue de Toulouse.

Nous nous retrouvons en décembre pour une dédicace à la librairie L'Exemplaire. C’est Eva qui a suggéré à Peggy de m’inviter. Poussière de sable, l’épopée euskalienne vient de sortir et trouve ses premiers lecteurs.

En ce qui concerne la vie hors les livres, Eva et moi nous situons à l’opposé : son bébé devient un petit garçon, ma vieille mère développe déjà les symptômes du cancer sanguin qui devait l’emporter dans sept mois. Bien sûr, j’ignore à quel point la situation est grave, voire désespérée. Il ne sera plus question pour de longs mois de la promotion du premier volet de mon opus de science-fiction. Eva, qui l’a lu, souhaite m’interviewer pour Toulouscope. J’en suis fière car, elle m’avoue que, n’étant pas une addict de SF, mes aliens ont réussi à la captiver. Mais je n’ai pas le cœur à me pencher sur la littérature. J’ai cessé de flipper sur les ventes et le sort des manuscrits qui dorment dans le disque dur de mon ordi. Je suis la fille d’une mère atteinte d’une maladie mortelle.

Au mois de juillet, me voilà orpheline. Mais, comme dit Paul Valéry, Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Je reviens vers la littérature, d’autant plus que Maman n’aurait pas souhaité que je jette l’éponge et que L’épopée euskalienne lui est dédiée. Je reviens vers Eva. Je peine à fournir des photos. Et l’article paraît : https://www.toulouscope.fr/toulouse-a-du-talent/embarquement-immediat-pour-poussiere-de-sable-lepopee-euskalienne-le-roman-science-fiction-de-la-toulousaine-claudine-caudat/

Depuis, j’ai eu le plaisir de lire le 2ème roman d’Eva, Celle qui dérange.

J’espère que nous nous croiserons encore.

Eva Kopp


jeudi 12 mai 2022

Intramuros sur Poussière de sable, légendes ourdiniennes


Ce vendredi, revenons à nos moutons mes aliens. Parmi eux, des moutons, des bergers, des loups et une minorité qui refuse de se soumettre. Sinon il n’y aurait pas d’histoire.

Après un long détour suivant les méandres de mon roman n°2, Elwig de l'Auberge Froide, j’irai droit au but : Quand le livre est tiré, il faut le vendre. Je parle de ma dernière parution, Poussière de sable, Légendes oudiniennes. Car un écrit qui ne trouve pas ses lecteurs reste lettre morte. Et c’est bien triste, surtout pour l’auteur.

Pour que de potentiels lecteurs se décident à franchir le pas, il faut qu’ils en aient entendu parler, que le bouche à oreille ouvre une voie, que des personnes influentes fassent entendre leur voix. Dans ce raz-de-marée littéraire qui déferle en continue, chaque roman fait figure de bouteille à la mer avec un message à l’intérieur. Coulera-t-elle à pic avant d’avoir été ouverte ? La bouteille à l’encre ?

Ne dit-on pas d’un livre, d’un film, d’une pièce de théâtre : En bien, en mal, pourvu qu’on en parle ! ?

Depuis des semaines, j’attendais la première critique venant de la presse, souvent inaccessible. Entre temps j’avais eu droit aux encouragements de mon éditeur : Tu ne dois pas douter de la qualité de tes romans. Et d’une lectrice qui s’est procuré les 2 premiers volets de Poussière de sable et qui m’a confié son ressenti, très positif, avec un gros plus : Le deuxième est encore mieux que le premier. Il est en effet décourageant pour un auteur de s’entendre dire que son premier roman était beaucoup mieux que le second/deuxième. S’il ne jette pas l’éponge, c’est qu’il est très opiniâtre ou très naïf. Par bonheur, la critique de Michel Dargel dans Intramuros m’a évité ce geste désespéré. J’attendais, me disant que si rien ne venait c’était que ce lecteur dont l’avis pèse du plomb n’avait peut-être pas apprécié mes Légendes ourdiniennes. Je me sentais déjà plombée quand j’ai découvert la toute première critique de mon dernier roman. Je cède la plume à Michel Dargel.

 

“Poussière de sable, légendes ourdiniennes”, de Claudine Candat (RROYZZ Éditions, 343 pages, 19,00 €) Faisant suite à L’épopée euskalienne chroniquée en son temps dans ces colonnes, voici le tome 2 de ces poussières de sable dont on ne sait pas si elles retomberont un jour et si oui, où. La science-fiction de Claudine Candat défie toutes les lois : celle de la gravité, de l’apesanteur, du temps, de l’évolution, voire même les lois du genre. Ses mondes ont peut-être existé ou existeront après, ses créatures sont pourvues d’auras lumineuses, d’ailes fines et transparentes, de nageoires et de palmes, communiquent en langage hypersonique ou s’habillent en peau de requin. Pourtant, aussi improbables et différents de nous qu’ils·elles puissent être, tou·s·tes luttent pour les mêmes valeurs que nous, la liberté, la justice, la reconnaissance et le besoin d’être aimés. Rien n’est jamais acquis, toujours il a fallu, il faut ou il faudra se battre. Dans ce labyrinthe poético galactique si bien construit, tour à tour lumineux ou vertigineux où l’auteure nous invite, le voilà notre fil d’Ariane, vieux comme notre univers, dont la solidité, proportionnelle à la confiance que nous mettons en l’Homme, nous permettra de retrouver la lumière. (M. D.)

n° 465 - mai - juin 2022


jeudi 5 mai 2022

Elwig de l’Auberge Froide, un roman européen né du cylotourisme

 Si je n’écrivais pas, je ne bayerais pas pour autant aux corneilles et si je laissais le vélo au garage, je voyagerais autrement, dans un fauteuil, face à l’écran, mes mains passant instantanément du guidon-papillon au clavier azerty. Je partage le temps non dévolu au quotidien entre mes deux passions : le vélo et le stylo. Je pourrais paraphraser le titre d’une émission culturelle qui a enjambé le siècle : le casque et la plume. Mais comme la vie est par essence poreuse, il arrive fréquemment que le territoire de l’un empiète sur celui de l’autre.

Mon deuxième roman, Elwig de l’Auberge Froide, en est l’illustration. Le vélo y joue le rôle de machine à remonter le temps et l’Histoire. Le récit est né d’un périple réalisé en deux temps. Je peux dire qu’Elwig est fille de la mythique randonnée du Danube. Tout commence en juin 2005 à Colmar sur des randonneuses lestées de sacoches, destination Budapest. Plus de mille kilomètres le long du Danube. Le premier jour, nous avons franchi le massif de la Forêt-Noire. En haut de la Nationale 500 nous attendait un carrefour hérissé de panneaux indicateurs et d’où l’on apercevait une bâtisse imposante, l’archétype des auberges allemandes : L’Auberge Froide qui, depuis 1480, se dresse à la conjonction de trois routes qui descendent dans des directions différentes : Donaueschingen, source officielle du Danube, Fribourg et le pittoresque Titisee sur les berges duquel prospère l’artisanat traditionnel des coucous. François, mon personnage, s’élance à vélo en direction de Vienne. Un orage le contraint à faire halte à l’Auberge Froide. Il pose sa bicyclette dans le garage, s’installe devant une bière et se retrouve, par enchantement, en 1805, dans la peau d’un étudiant en médecine en route pour Vienne. Le décor et la vêture régressent dans le temps : les tonneaux remplacent les chromes de la pompe à bière, la culotte de cuir le pantalon de toile. C’est le cœur du roman, où mènent et d’où partent les vaisseaux d’une histoire qui couvre deux siècles. Les paysages et les villes où se déroulent les péripéties, nous les avons nous-même traversés à vélo. Comme François nous avons épousé Les foucades du jeune Danube qui l’envoie à l’assaut de rampaillons de terre. Comme mes personnages, nous avons circulé à l’intérieur du site enchanteur de la ville de Passau, au confluent de trois cours d’eau, l’Ilz, l’Inn et le Danube. Comme François je suis partie en quête du musée de l’histoire de la psychologie, transféré entre temps à Würzburg.

En 2008, nous avons relié Budapest à la mer Noire, terminus Odessa en Ukraine. Pour parler de la randonnée du Danube, je cède la parole à mon personnage : Je songeai que longer le Danube à vélo, c’était aussi voyager à l’intérieur d’un mythe même si nos ambitions s’arrêtaient modestement à Vienne. Pensez, cher ami, que ce fleuve légendaire naît dans la Forêt-Noire pour se jeter dans la mer Noire, comme si, depuis la source jusqu’au delta séparés par près de trois mille kilomètres, des peuples d’idiomes aussi différents que les Allemands, les Slaves, les Hongrois et les Roumains s’étaient donné le mot, plus précisément, l’adjectif pour nommer sa fin et son commencement. De ma randonnée du Danube, de Colmar à Odessa, n’est pas né le traditionnel récit de voyage mais les rencontres, la découverte ou redécouverte de sites mythiques ou sauvages m’ont donné le déclic pour écrire un roman sur les rapports franco-allemands. Ce n’est pas un hasard si mon éditeur, Philippe Villette des éditions Pierre Philippe, est genevois.

Ce roman est somme toute une histoire de ponts entre les cultures. L’histoire se déroule aussi dans le Midi toulousain et relie le grand Danube au petit Tarn, affluent de la Garonne. J’ai pris pour cadre cette portion de rivière que les cyclotouristes de ma région connaissent bien et qui va de Villemur à Buzet. C’est à vélo que nous avons découvert ces villages des bords du Tarn dotés de ponts suspendus. Lorsque nous partions pour la matinée, nous avions pris l’habitude de casser la croûte devant un établissement désaffecté : le café du pont. Cette bâtisse mystérieuse située face au pont suspendu me faisait rêver. Dans le roman, le café du Pont est devenu l’auberge du Pont : La porte d’entrée en arceau, les portes-fenêtres de l’étage, tout est clos. Le vert des volets tranche sur la brique rouge. (…) Une bâtisse en briques rouges, porte et volets clos, qui se dresse face au parapet.

Je pense que la pratique du vélo m’a donné l’endurance nécessaire pour bâtir des histoires au long cours. Quand on affronte des meutes de chiens roumains, on a le courage de se lancer à l’assaut du monde de l’édition et de persévérer en dépit des obstacles. De même, quand je suis sur le vélo, fascinée par le charme des paysages ou peinant sous l’effort, j’oublie tous mes soucis, y compris les chaos et les bâtons dans les roues de ma carrière littéraire que je souhaiterais en roue libre.

Donaueschingen, naissance du Danube 


C’était mieux avant. Ou pas.

Apparemment, cet article n’aurait que peu de rapport avec la littérature. Et pourtant ! Je tenais à m’exprimer sur le sujet tant je vois déf...