Ce que j'écris, pourquoi, pour qui et les surprises de mon parcours littéraire

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jeudi 21 avril 2022

Des muscles et du nez

 Puisque j’ai mis le pied à l’étrier, autant que j’enfourche la monture et poursuive sur ma lancée. Donc je me mets à l’écriture de mon deuxième roman (publié) qui en réalité le 3ème : Elwig de l’Auberge Froide. 6 ans de travail. L’histoire déroule ses méandres de 1805 à nos jours sous l’égide du romantisme allemand et du plus ésotérique des pionniers de la psychanalyse, Carl Gustav Jung. Au départ, un étudiant français frappe à la porte d’une auberge allemande et se retrouve dans la peau d’un étudiant en médecine en route pour Vienne. Le vent de la grande histoire souffle sur mon inspiration, des guerres napoléoniennes jusqu’au deuxième conflit mondial, poussant ses pointes jusqu’à la période de la Libération en France et de la partition de l’Allemagne. Mais je ne vais pas vous raconter l’histoire, disponible dans sa version publiée mais, ça, c’est une autre histoire, une autre paire de manches. En attendant, je me retrousse les miennes. Je suis au pied du mur, là où on voit le maçon, sauf que le maçon c’est moi, tant j’éprouve en mon corps la sensation de faire un travail d’architecte. Je m’empare de pans entiers de mon histoire, les soupèse, les déplace, les agence. Tout serait plus simple si j’écrivais de façon linéaire mais non, j’opte pour une narration où les temps se télescopent et où la conjugaison, au présent et au passé, tient lieu de guide au lecteur.

En même temps, j’exerce mon nez, comme celui d’un parfumeur. Je fais circuler le lecteur dans des époques que ni lui ni moi n’avons connues (pour le 19ème siècle c’est plus que certain). J’aspire à restituer l’air du temps et la fragrance d’une époque. Je dors avec un cahier posé sur la table de nuit. S’il me vient une idée, je la note pour ne pas l’oublier. Il m’est arrivé de me réveiller en sueur en me disant : Ça sent le cuir, à propos du garage l’Auberge Froide, transformé en écurie d’un autre âge. Voilà en quoi s’est transformée cette impression olfactive : Il s’agissait bien d’un garage mais dans lequel on aurait garé des véhicules de musée, voitures à bras, calèches et traîneaux à neige, avec d’énormes outils pendus au mur : maillet, tenailles et d’autres dont j’ignorais l’usage. Je ne m’étonnai guère que ma bicyclette eût disparu. J’aperçus des harnais et des lanières. Au lieu de l’odeur d’essence, je respirais des effluves de litière et de cuir. Je ne rêve pas, fis-je à haute voix en espérant le contraire.

C’est peu dire que Elwig de l’Auberge Froide m’a hantée. Je me suis glissée tour à tour dans leur peau, ou ce sont eux qui ont pris possession de moi : Elwig, héroïne de cape et d’épée, Michel Leduc, médecin légiste qui fait des rêves prémonitoires, accro à C.G. Jung et à l’alcool, Gérald Mirouze, son jeune collègue, accro au travail et buveur d’eau, Franz/François, romantique à tous les temps…

Voilà un aperçu du comment. Vendredi je vous dis et, partant, vous emmène en voyage.

Cahier dédié à Elwig de l'Auberge Froide



Photo prise au cours de mon périple danubien 

jeudi 14 avril 2022

Deuxième ou second ? roman, s’ensuit.

 Un auteur qui publie après son premier livre se doit de saisir la différence entre deuxième et second. S’il parle de son second livre après en avoir sorti un troisième on peut douter de sa maîtrise des subtilités de la langue française. Mais au cas où le troisième bouquin serait encore dans les limbes, c’est que notre écrivain est franchement pessimiste ou bien réaliste, si on considère le parcours d’obstacles qui se dresse devant lui. Et je sais de quoi je parle.

Personnellement, j’ai radié le mot second de mon vocabulaire et, si vous me suivez sur ce blog, vous n’ignorez pas qu’en termes de création mon deuxième roman est en réalité le troisième. La publication est une autre paire de manche. J’arrête de vous embrouiller.

Donc nous en sommes à cette période de ma vie littéraire où Diabolo pacte est achevé mais pas encore publié et où je me cherche des moyens de me faire connaître. L’idée me vient de participer à des concours de nouvelles. La récompense financière est, à mes yeux, accessoire quoique je n’y cracherais pas dessus. Je lance donc deux ou trois poulains dans la course. J’avoue qu’aucun ne décrochera la timbale. Je n’aurai ni les sous ni la gloire. Je n’aurais certes pas craché sur la gloriole.

Un jour, je tombe sur l’annonce d’une localité de l’Est de la France (le Grand Est est encore dans les limbes) relative à l’ouverture d’un concours de nouvelles sur le thème de la bière. Voilà une épreuve juste faite pour moi, vu que j’avale autant de bière que mon clavier crache d’encre fictive. La bière, allemande de surcroit, fait partie de ma formation, vu que, comble de l’exotisme, j’ai fait des études d’allemand à Toulouse.

Je commence l’histoire d’un étudiant allemand qui voyage à vélo sur les routes de la Forêt-Noire et se voit contraint par l’orage de se réfugier dans l’Auberge Froide. C’est presque du vécu car, si je ne suis plus étudiante depuis des lustres, j’ai posé mon vélo contre le mur de l’Auberge Froide en revenant de Budapest. J’avais même bavardé avec des touristes espagnols dans la langue de Cervantès après avoir passé commande dans celle de Goethe.  Notons que l’Auberge Froide n’est pas un établissement qui date d’hier puisqu’au XVème siècle elle se dressait déjà sur les hauteurs. Donc notre étudiant se met au sec, vide sa chope quand l’orage fait sauter les plombs et que l’obscurité s’empare de la salle. Quand la lumière revient, notre étudiant s’aperçoit que l’entourage est déguisé à la mode du XIXème siècle. L’étudiant parle par ma plume :

Lorsque j’ouvris les paupières, que je regardai autour de moi, je crus qu’une troupe de comédiens avait envahi l’auberge. Outre la serveuse, tout le monde semblait sortir du folklore local. Plus personne n’était vêtu normalement. Absents l’instant d’avant,  quatre gosses jouaient par terre et fourrageaient régulièrement dans des tignasses infestées de vermine. Un miaulement, suivi d’un feulement furieux, me fit sursauter. Un garçonnet se tenait la joue, des larmes jaillissaient de ses yeux. Un grand chat s’éloignait avec majesté, faisant rouler ses muscles sous un pelage tigré. Comme il s’approchait de la cheminée, la fille d’auberge lui jeta le reste d’une chope à travers le museau. Le chat recula d’un bond puis la toisa littéralement du haut de ses quatre pattes.

   -- Walhalla, voyou, si tu n’étais pas la terreur des souris et des rats, il y a longtemps que je t’aurais mis dehors. Et toi, poursuivit-elle en faisant semblant de fouetter la face livide de l’enfant, qu’est-ce que tu avais besoin de l’embêter !

Soudain, un détail me troubla. L’électricité avait disparu, la salle était éclairée à la bougie. Un grand feu brûlait dans l’âtre. La chope devant moi n’était plus en verre mais en grès. Je m’empressai d’y tremper mes lèvres pour me rassurer. Je regardai mes bras, mes jambes et me sentis tout drôle : j’étais moi-même costumé à l’ancienne. La chemise de drap me grattait la peau au cou et aux épaules, le loden me tenait trop chaud, je portais une culotte qui s’arrêtait aux genoux et des brodequins de cuir. Et je n’avais pas souvenir de m’être changé. Je cherchai mes marques, au concret mes Marks, voire quelques francs. Je tâtonnai dans les poches de mon nouvel habit, éprouvai le contact du métal, tirai deux pièces à la lueur incertaine des chandelles. J’y voyais suffisamment clair pour reconnaître l’effigie d’un prince de jadis et l’année 1795 gravée dans l’argent en chiffres romains.

Très vite, le format de la nouvelle s’est révélé trop étroit pour l’histoire qui germait dans ma tête. Il va sans dire que je n’ai jamais concouru. Je mettais néanmoins le pied à l’étrier d’un cheval complètement cinglé dont je ne pouvais prévoir ni les ruades, ni les refus d’avancer, encore moins les départs au grand galop. J’ignorais que je l’enfourchais pour une chevauchée de six longues années. Y penser me donne soif. J’ai mérité une pinte de bonne bière. Et vous aussi qui avez bu jusqu’à la dernière ligne.

Kalte Herberge - Schwarz Wald
Auberge Froide - Forêt-Noire


Le réel, y a que ça de vrai !

Fictionnaire de l’écriture, j’ai débuté par des histoires absurdes que presque personne n’a lues pour la simple raison qu’elles sont demeuré...