Puisque c’est en quelque sorte mon art premier, mon premier cri d’artiste poussé, non à la naissance – ce serait plus fort que du Diabolo pacte – mais dès l’enfance.
« Tout homme bien portant peut se passer de
manger pendant deux jours, de poésie, jamais. », proclame
Charles Baudelaire. Ceux qui ont connu l’Occupation ou grandi dans des contrées
où l’abondance de bouffe demeure dans les brumes de l’utopie en concluront que
notre immense poète mangeait au moins une fois par jour.
Quand
je regarde autour de moi les métamorphoses de l’environnement, j’en viens à la
question : un individu sain d’esprit peut-il se satisfaire de tant de
laideur ? Peut-il se passer de Beauté ? Vous avez deux heures. Plaisanterie à part, n’hésitez pas à donner
votre avis et à laisser un commentaire.
Si
j’en viens à Baudelaire, c’est que notre rencontre a été déterminante, autant
que celle avec les vers d’Alfred de Musset que j’ai racontée dans un précédent
article.
Je
devais avoir 16 ans. Un an plus tôt, mon
parrain revenait d’Amérique après plus de 10 ans d’absence avec une tante
et des cousins inconnus : un ouragan dans mon temps immobile. Mon parrain
m’a fait un cadeau inestimable, non qu’il ait cassé sa tirelire, bien peu
remplie après avoir quitté un Canada en proie au marasme économique. Un petit
livre, qui lui avait sûrement été offert à l’occasion d’une promotion, objet d’apparence
anodine, mais qui a ébranlé la terre sous mes pieds. Soudain, j’ai été
confronté à la Beauté et la beauté de la Laideur : Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or. Car si un poète
mineur possède l’art de charmer, les grands poètes, du haut de leur immensité,
ont ce pouvoir : il y a un avant et un après les avoir lus.
Mon
rapport à la poésie n’a plus été le même après la découverte des premiers vers
des Fleurs du Mal. Non que j’ai
cherché à imiter le poète de l’Albatros. Toujours est-il qu’en tant qu’HVQ
(handicapée de la vie quotidienne) je peine à avancer sur le plancher des
vaches, et surtout à marcher droit sous le fouet et la férule.