Puisque le blog réclame sa pitance tel un dogue insatiable – c’est le dlog – autant varier les menus, ajouter une pincée d’exotisme à cet exercice écrit exclusivement en français.
Aujourd’hui
le dlog aboiera en tchèque et la caravane des mots passera par Prague et
Bratislava sous la houlette de Martin Daneš, auteur tchèque écrivant en français et en
tchèque et aussi traducteur dans les deux sens.
J’ai connu Martin lors de la publication de mon
premier roman, Diabolo pacte, aux
éditions L’Arganier sises à Chatou. Depuis, hélas, elles ont disparu du paysage
éditorial.
À l’époque Martin, qui avait publié plusieurs
livres en Tchéquie, vivait à Paris, cherchait un éditeur pour ses écrits en
français et avait approché L’Arganier, notamment Henri Girard, alors directeur de la collection Facéties. C’est à l’occasion d’une photo
de groupe sur Facebook que nous sommes entrés en correspondance. En français
car malgré mon séjour en université d’été à Brno je suis incapable de faire des
phrases en tchèque. Je me suis souvenu de mes séjours à Prague du temps du
Rideau de fer puis après la Révolution de velours. J’avais pu constater que le
pont de Charles, désert lors de mon premier passage, s’était rempli de
camelots. Mais l’eau de la Vlatava avait coulé et Martin était obsédé par la
publication de ses écrits dans son pays d’accueil : la France.
Je pouvais le comprendre car les lettres de
refus sont parfois à l’origine de pulsions suicidaires. J’étais passée par là
et je suis intervenue en faveur de Martin. Mais le destin est facétieux et
L’Arganier penchait déjà dangereusement vers la faillite. Mais j’ignorais cela
à l’époque et c’est en toute innocence que je me rendis à Paris au salon des
éditeurs du Quartier Latin dédicacer mon Diabolo
pacte, le roman que tout candidat à la publication devrait lire car il est
question de pacte avec le Diable dans le milieu de l’édition. J’ignore si
Martin a ri, pleuré ou roupillé en me lisant mais, Diabolo en main, il est venu
chercher sa dédicace. Je l’ai aperçu de loin. À Plus d’un mètre 90 on n’a guère
de mal à culminer par-dessus les têtes des autres, ces autres n’ayant pas de
surcroît une tête de slave.
Le temps a passé. Nous nous sommes revus lors
de mes passages à Paris. Martin a réussi à publier 3 livres en français : Le char et le trolley chez
Vents d’ailleurs et Les mots brisés aux
éditions de la Différence. Et le dernier qui vient de paraître : Silence de vieux hiboux aux éditions Douro.
Les plus jeunes protagonistes de l’histoire ont
60 balais. On se glisse dans le corps décrépit et empêché du narrateur (83
ans), ancien journaliste tchèque qui vit à Paris et fréquente un autre exilé,
Milan (le grand Kundera). En fait de Français, il a surtout commerce avec sa
concierge portugaise, une jeunesse de 65 ans qui s’éprend du fantôme d’un
illustre Slovaque, Gustáv Husák, qui fut président de la République
tchécoslovaque de 1975 à 1989. On ne s’ennuie pas une seconde dans ce récit
servi par des dialogues truffés d’humour qui nous fait revivre le Printemps de
Prague et la Révolution de velours.
Un roman qui m’a fait retrouver la trace de mes
périples à vélo, de Brastislava à la frontière hongroise. J’en suis ressortie
avec une tête de Mickey, les taons ayant frappé fort en terrain allergique.
Même si vous n’avez jamais mis les pieds ni les
roues dans les anciens pays de l’Est, Silence
de vieux hiboux vous touchera par l’épaisseur des personnages et la
tendresse que l’auteur leur porte tout en vous dévoilant l’histoire récente de
ce petit pays, à présent scindé en deux : la Tchécoslovaquie.