Pouvant conduire à des séquelles permanentes : blessures narcissiques, le miroir est fêlé, une écharde s’est plantée dans l’œil. La représentation de soi en prend un sacré coup.
Les
ambitions artistiques constituent un terrain éminemment favorable à de tels
accidents. Je l’ai vécu avec mon père incapable de vendre un seul tableau ou
une seule sculpture parce qu’il ne savait pas vendre : ce blocage, qu’il
m’a transmis, m’a longtemps bloquée derrière la table de dédicace tandis qu’autour
de moi ça signait à tour de bras. Jusqu’au jour où je me suis décidée à
inverser la tendance : je me suis mise à aborder les gens et à leur parler,
bien que ce ne soit pas ma pente naturelle. Ça va mieux depuis, mais je ne
me sens pas à l’aise en salon du livre au milieu de la concurrence. Il n’est
qu’à relire le dernier article que le sujet m’a inspiré : https://claudine-candat-romanciere.blogspot.com/2025/05/les-divas-du-salon.html
Cette
situation, à laquelle je ne m’attendais pas quand je n’étais pas encore publiée,
m’a infligé son lot de blessures narcissiques.
J’ai
remarqué que le résultat des concours et prix littéraires avait sur d’autres le
même effet dévastateur que l’ambiance des salons du livre sur mon moral. De ce
point de vue-là, je suis blindée. J’accueille avec joie les récompenses et ne
sort pas déprimée du fait de n’être pas primée.
En
ce qui concerne l’ego, je tiens à être absolument sincère et à rétablir la
vérité. Non, ce n’est pas mon ego qui est vexé comme un dindon quand mes livres
ne décollent pas de la table. Je suis meurtrie pour toutes ces entités-livres
que j’ai aidé à venir au monde, qu’elles se nomment Diabolo pacte, Coup de grain
ou Elwig de l’Auberge Froide. C’est
le meilleur de moi-même, mais qui s’est détaché de moi, du MOI. Comme aux
enfants, des ailes leur poussent dans le dos. Comme les enfants, nos
personnages s’émancipent et n’en font qu’à leur tête sans nous demander notre
avis.
Le
lecteur ne butine-t-il pas un autre livre que celui que nous avons écrit ?
J’ai
mal pour elles, persuadée sur le moment que ce n’est pas moi, mais elles qui
sont victimes d’une injustice, d’un déficit de notoriété qui réduit l’auteur à
vendre à la criée le meilleur de lui-même.
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