Suite de l’état des lieux… de mes romans. Le pari de Diabolo pacte, mon premier roman publié, consistait à évoquer un monde dans lequel je n’avais jamais mis les pieds et dont je ne connaissais que les lettres de refus. Où situer ce monde de l’édition, si ce n’est à Paris ? Or, si le premier éditeur de Diabolo pacte avait son adresse dans le Quartier Latin, les maisons qui par la suite m’ont fait l’honneur de me publier ne sont ni germanopratines ni parisiennes.
Mon
thriller européen, Elwig de l’Auberge
Froide, a été pris à Genève. Les deux premiers volets de ma saga de
science-fiction sont sortis à Metz. Diabolo
pacte a fini par ressusciter près de Montpellier. Coup de grain, nouvelles, est toulousain. Mes poèmes de jeunesse, Mon opium est dans mon cœur, ont eu
l’heur de plaire à Castelnaudary.
Dans
Diabolo pacte, tout le monde monte à
Paris : l’éditeur, sa pulpeuse comptable et les deux écrivains du roman,
tous attirés, comme par un aimant, par les éditions 1515 qui n’existent que
dans mon imagination.
Le Diable
correspondant à l’arcane XV du tarot divinatoire, il allait de soi de situer le
siège de cette satanée maison dans le XVème arrondissement,
arrondissement où j’avais suivi une formation syndicale. Certes, j’avais pu
humer le parfum des rues et du Front de Seine, mais pour écrire le roman je me
suis servie du plan de la ville.
La preuve par le livre : C’est alors que les portes d’une maison
d’édition s’ouvrirent devant lui, non la porte rêvée de l’écrivain publié mais
un petit vasistas où il s’introduisit comme lecteur. Le petit vasistas se
situait au numéro 15 de la rue Gutenberg. Dans la réalité Garin entra par la
porte cochère sur les recommandations de sa dernière maîtresse qui avait des
accointances avec le milieu éditorial. Il sortit du métro à Javel et boitilla
le long des quais, humant la légère odeur de vase qui montait du fleuve. Il
découvrit ce jour-là, impressionné, la perspective d’immeubles du Front de
Seine.
Le
soir, nous avions mangé tous ensemble au restaurant du Commerce. Un collègue
parisien parla de l’arrondissement, de son passé industriel subsistant par le
nom de ses quais. Javel, André-Citroën. À l’époque, je n’avais pas encore dans
l’idée d’écrire une comédie sur le milieu de l’édition. J’avais encore l’illusion
que ma saga de SF passerait la rampe. Nous ignorions tous, y compris lui-même,
qu’une fin tragique attendait notre collègue parisien.
Dans
la vie, hélas, nous ne disposons pas tous d’une fronde virtuelle pour terrasser
nos adversaires.
Entre
temps, Diabolo pacte a trouvé
preneur. Lors de notre premier contact, mon directeur de collection a
remarqué :
―
Vous connaissez bien Paris. J’ai bien reconnu le XVème où vivaient
mes parents.
Voir
à travers un plan de ville comme l’extralucide dans sa boule de cristal, un don
d’écoute, un zeste de médiumnité, est-ce ainsi qu’on bâtit un décor quand on
est romancière ?