Dans
la série « belles rencontres » je vais vous en conter de bien
surprenantes. Elles ne portent pas de prénoms, il ne s’agit pourtant pas d’extraterrestres
mais de phénomènes bien humains mis en relief en son temps par Carl Gustav Jung
sous le terme éloquent de synchronicités. Deux éléments sans rapport l’un avec
l’autre se télescopent et font sens. Par exemple, vous pensez à x, votre téléphone
stridule, vous appuyez et vous reconnaissez la voix de x auquel vous vous
empressez de confier :
―
Justement, je pensais à vous.
Cela
m’est arrivé 50 fois et des trucs encore plus frappants mais ce blog est un
blog littéraire, donc voici les synchronicités les plus parlantes qui sont
survenues lors de mes travaux d’écriture.
Dès
que j’ai entamé Poussière
de sable, je me suis posée la question : quel vocabulaire employer
pour décrire des mondes imaginaires et donner ce qui tient lieu de parole à des
aliens ? Euskaliens, gogorkis, somoraks, ce sont des mots basques que
certains de mes lecteurs ont d’ailleurs reconnus.
Pourquoi
le basque ? Je ne le parle pas ni ne le comprend mais certains de mes
ancêtres maternels venaient de la Soule. D’autre part, quand j’ai commencé le
roman avec l’idée de confronter deux espèces personnifiant l’une pour l’autre
l’étrangeté et l’altérité, j’ai cherché à créer un vocabulaire adéquat. On m’a
offert à cette époque un livre sur les légendes peuls. Je n’ai pas réussi à
entrer dedans. En même temps j’avais lu quelque part que les Basques seraient
un peuple protohistorique ayant survécu à la dernière glaciation. Alors je me
suis souvenu des mots que prononçait ma grand-mère et j’ai acheté un dictionnaire
franco-basque. J’ai commencé à nommer mes personnages. L’un d’eux s’appelle
Kastouch, c’est simplement l’abréviation de mon ancêtre basque :
Castouchouarrena. Quand il a été question de nommer mon grand maître ès
Suggestion, j’ai inventé un mot pour désigner cette personnalité
centrale : Iradoki. Plus tard,
pour voir si ce mot a un sens, la curiosité m’a poussé à ouvrir mon
dictionnaire en cherchant ce mot Iradoki.
Là j’ai manqué tomber à la renverse. Iradoki figurait dans mon dictionnaire et
sa signification correspond au-delà de ce que je pouvais imaginer à l’idée que
je voulais lui donner. Iradoki signifie en basque… suggérer. Je pouvais tout imaginer à propos de la vivacité de ma
culture basque inconsciente.
J’ai
voyagé avec Elwig
de l'Auberge Froide durant 6 ans, à pied, à cheval, à vélo, à travers
l’Europe des berges du Tarn à Kaliningrad et de 1805 à nos jours. Dans l’une de
ses incarnations Elwig voyage à vélo le long du Danube tandis qu’un étrangleur
la guette au détour d’un virage. Vous vous doutez de l’issue. Donc j’étais
immergée dans cette histoire qui me hantait jour et nuit jusque dans mes rêves.
Le clavier au repos, j’allume la télé et tombe par hasard sur une émission
traitant de vieilles affaires criminelles et que je ne connaissais pas. Quand
on est en train de bâtir un thriller, on absorbe tout ce qui peut nourrir sa
trame. Donc, je suis suspendue à l’écran. Le choc : la future victime,
Janet Marshall, circulait à travers la France à bord d’un vélo lesté de
sacoches quand son assassin a mis un terme à son voyage. Son corps fut retrouvé
le 28 août 1955 dans un fourré sur la commune de Belly-sur-Somme et l’enquête
qui piétinait trouva son épilogue le 11 janvier 1956. Robert Avril, le
coupable, avait été libéré du bagne en juillet. Preuve en est que déjà se
posait la question de la récidive et de l’insécurité pour une femme à emprunter
en solitaire des itinéraires peu fréquentés. Mais, ce qui fit tilt dans ma tête
fut la confrontation des dates : 1955, mon année de naissance. Avril (le
patronyme de l’étrangleur), mon mois de naissance et le 11 janvier, jour de
naissance de ma mère.
Billevesées,
me direz-vous. Libre à vous de le penser. Voici le lien vers l’affaire
Janet Marshall. Quant à moi, je n’ai jamais vécu le genre de synchronicité
sur lequel fantasment les auteurs : me trouver dans le métro et découvrir
que la personne en face est en train de lire un livre qui n’est autre que l’un
des miens.
Une route, en Roumanie |