Ce que j'écris, pourquoi, pour qui et les surprises de mon parcours littéraire

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samedi 18 juin 2022

La roue tourne

Le vélo mène à tout, y compris aux journalistes, pour peu qu’on emprunte les bonnes routes, friandes de haies et de fossés, avares de véhicules motorisés, avec en point de mire le clocher de charmants villages.

C’était l’été, celui qui allait se terminer par le début d’une aventure : celle du 1er roman publié. Diabolo pacte était en cours de fabrication et, ce mois d’août, j’écumais les libraires de la région toulousaine, débordant sur les départements limitrophes, en quête de séances de dédicace.

C’était un dimanche. En duo, nous avons franchi le Tarn, la rivière, et montions en pente douce vers Salvagnac, première étape sur la route des bastides. Chaque fois, un grand bonheur d’apercevoir sous un azur de carte postale les bâtisses hésitant entre le rose et l’ocre couronnées de tuiles romaines ! Nos vélos sont sur la crête et, à notre droite, un espace couvert de gazon accueille des tables. Sur l’une d’elles, des livres se posent sur de petits chevalets. Nous approchons, posons nos vélos. C’est ainsi que nous fîmes connaissance de Jean-Jacques Rouch. Nous découvrons les titres des romans que nous lirons par la suite : Les yeux d’Izarn, Le maître du safran. Car Jean-Jacques Rouch est écrivain. Ma chance d’être deux face à la table c’est que je suis dispensée de parler de la sortie prochaine de Diabolo pacte. C’est Jean-Paul qui met le sujet sur le tapis. Jean-Jacques Rouch me propose alors de lui amener mon livre à la Dépêche du Midi pour un éventuel article si le livre lui plaît.

Je l’ignore mais je suis en train de charger mon porte-bagage d’un sacré avantage : à l’automne, Jean-Jacques m’annoncera au téléphone :

J’ai beaucoup aimé votre bouquin.

Et j’aurai des articles. Que les auteurs qui désespèrent en ces termes :

Avoir de la presse ne fait pas vendre.

Que ceux-là se rassurent :

N’avoir aucune presse ne fait pas vendre davantage.

Je rencontrerai à maintes reprises Jean-Jacques, parfois avec son frère en journalisme, Michel Baglin. Lors de mon premier salon du livre, où nous devions tous deux être primés, mon amie Claudine devait retrouver Jean-Jacques, un ancien camarade du lycée Raymond Naves. Quelques jours plus tard, il serait sur son palier, casque sous le bras (Jean-Jacques circulait à scooter) pour lui dire que la Dépêche n’avait pas encore fait passer l’article sur sa copine. Je me souviens de la réaction de Claudine, déplorant avoir raté sa vie en ne faisant paraître aucun livre. J’ajouterai un bémol : avant de publier, il faut quand même avoir écrit et, pour écrire, en sentir la nécessité. En l’absence de cette dernière condition, on n’a rien manqué du tout.

Avant d’envier les gens, il faudrait envisager ce que la vie leur réserve.

Car la vie est chienne, frétillante de la queue, tout sourire, puis montrant brusquement les crocs. La maladie allait planter les siens dans les os de Jean-Jacques avant de l’emporter en 2016.

Quant à moi, je demeure fidèle au guidon. En pédalant, surtout dans les difficultés, j’oublie les sujets qui fâchent et me dis que c’est merveille de conserver une santé à même de me propulser en haut des cols. Quant à la littérature, je ne trouve nullement matière à me pousser du col.

Salvagnac dans le Tarn



lundi 6 juin 2022

Plaisirs de table

Quand le livre est tiré, il faut le vendre. Plus fastoche de descendre un Mont Ventoux (le vin) ou même de le grimper (le col) que de faire baisser la pile de livres sur la table de dédicace. Un talent de bateleur peut faire d’un auteur inconnu une perle rare que s’arracheront les libraires. L’exercice est ardu, personnellement me paraît monumental : exaltant quand il est réussi, décourageant quand sèche le stylo. Pourtant, j’y ai récolté, parmi la tourbe, quelques diamants étincelants.

C’est lors d’un salon du livre que j’ai fait la connaissance de Nathalie Glévarec et d’Eva Kopp.

Remontons le fil jusqu’en l’an I. Première dédicace de mon 1er roman, Diabolo pacte. Je me suis déplacée dans le Tarn et Garonne, à librairie presse de Caussade. Et elle se tient devant moi, ma toute première fois, au moins aussi intimidante que les autres. Elle s’appelle Hubert, avant d’être à la retraite occupa le poste de fossoyeur et, non content d’être ma toute première dédicace, persuada une cliente de tenir le rôle de la deuxième. Un fossoyeur comme première signature augurait-il d’une mise en terre de mes espérances ?

Le samedi d’après, à Ax-les-Thermes, elle riait comme une bossue devant la quatrième de couverture cette dame d’un certain âge qui déplorait :

Je suis une retraitée pauvre.

Je suis en effet entrée sur le marché du livre dans la foulée de la crise des subprimes.

Je me souviens de ma première radio, FMR, une radio de jeunes, où je me suis sentie à l’aise pour présenter mon Diabolo pacte après que mon interviewer se fût quelque peu égaré. Tout micro éteint, il m’a prié de l’excuser, alors que j’étais loin de regretter un dérapage épiçant l’interview :

Je suis plus à l’aise avec les écrivains morts.

Passons à la vitesse supérieure : ma première télé avec l’excellent Greg Lamazères de la regrettée chaîne Télé Toulouse. Maquillée comme une star, étouffant de trac, je fais connaissance de Michel Baglin, journaliste à la Dépêche du Midi, poète, nouvelliste et romancier. Je croiserai Michel plusieurs fois. Des mois plus tard, alors que j’étais en quête d’un éditeur pour mon 2ème roman, Elwig de l’Auberge Froide, il m’a confié qu’il avait eu un temps les honneurs de la presse nationale et cru que le succès pointait le bout de son nez. Et puis, Pschitt ! J’ai encore en tête son conseil  :

Il faut écrire parce qu’on aime ça.

Michel est parti en 2019, le 8 juillet, 4 jours après ma mère, de 20 ans son aînée.

Donc premier passage à la télé dont je récolterai les fruits. J’entendrai, derrière ma pile de Diabolo pacte, la formule magique :

Je vous ai vu à la télé. Puis-je avoir une dédicace ?

Plus de télé mais le covid, le pass sanitaire qui devient vaccinal. La semaine où je devais passer à la radio et présenter Poussière de sable, l’épopée euskalienne, lors d’un dîner littéraire, et passer sur les ondes de Radio Occitanie est la première de deux mois de confinement. L’année d’après, mon éditeur et moi-même travaillons à la publication de Poussière de sable, Légendes ourdiniennes. Privée de salons et de dîners, je décide de concrétiser un projet de longue date : mon site internet. Finalement, j’opte pour Blogger, libre de pubs, avec un blog où je parlerai à mes lecteurs, anciens et peut-être futurs. Il m’est en effet plus facile de communiquer derrière l’écran blanc de mes humeurs, noires ou roses, que derrière une table.

Une question me tarabuste depuis longtemps : L’auteur est-il le plus à même de parler du contenu de son livre ? Proche de la transe, j’ai la sensation que ce que j’écris me passe au-dessus de la tête. Mes personnages s’emparent de leur destin en interaction les uns avec les autres. Mes lecteurs y voient mille choses dont je n’ai pas conscience. Suis-je la mieux placée pour en parler ? J’avoue que je demeure dans le brouillard. Ce que je peux dire c’est que quand on s’arrête devant ma table et me demande une dédicace, il fait très beau.

Salon du livre de Paris


Le réel, y a que ça de vrai !

Fictionnaire de l’écriture, j’ai débuté par des histoires absurdes que presque personne n’a lues pour la simple raison qu’elles sont demeuré...