Pour
en finir avec l’autofiction – du moins sur ce blog – je vais aborder le cas de
ma mère qui, elle aussi, pensait que son histoire serait intéressante à lire.
Elle parlait de son enfance, une enfance à la Dickens sur laquelle se projetait
l’ombre d’une grande absente : la mère. Une enfance malheureuse à
laquelle, moi, j’avais échappé. Ce n’était pas tant la deuxième guerre
mondiale, l’Occupation où elle avait par périodes crevé de faim avec ses frères
qui, à ses yeux, conférait à son enfance l’épithète de malheureuse qu’une
histoire familiale compliquée. Et c’est un euphémisme.
Les
instituteurs se liguèrent contre ces enfants, infoutus de se rendre compte que
la petite fille savait lire à 5 ans et que son frère possédait un don inné pour
la physique. Voir sur le blog Ecouter
avant d'écrire.
Maman
disait : « Je vois un titre : La petite Roques. » Quand on s’appelle Roques quoi de plus
naturel ? Elle ignorait que le titre était déjà pris par un certain Guy de
Maupassant sans s à la fin mais sa trace s’était sans doute imprimée dans sa
mémoire inconsciente. Dans la nouvelle de ce conteur de génie, la petite Roque
est une petite paysanne retrouvée violée et étranglée par le facteur du
village. Les enquêteurs et le maire sont à la recherche de l’assassin. Je n’en
dis pas plus au cas où vous ne connaîtriez pas encore le fin mot de l’histoire.
Maupassant n’aurait certes pas dit spoiler
mais serait d’accord pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur. Pour en revenir
à ma mère et à l’an quarante, je trouvai, dès mon plus jeune âge, qu’il y avait
en effet matière à tenir un auditoire en haleine. Je peux toujours supposer que
ma mère aurait souhaité que je prenne la plume pour raconter ce qu’elle avait
vécu. Paradoxalement, Maman n’était pas habitée par ma passion du passé et des
archives. Je doute qu’elle se soit demandé comment avaient vécu ses ancêtres.
Quand,
il y a quatre ans, son frère lui a annoncé un cancer du pancréas et qu’elle a
voulu le faire enterrer dans le caveau de mes arrière-grands-parents (que j’ai
connus) j’ai retrouvé parmi les occupants une trisaïeule partie de Miremont
(31) avec son époux travailler à Paris (où mon arrière-grand-mère est née).
C’est cette trisaïeule qui a transmis le plus ancien de mes souvenirs
familiaux : la famine pendant la commune et la mise à mort du chien pour
en faire un repas au goût infâme. Malheureusement la maladie puis le décès
fulgurant de mon oncle a déclenché chez Maman le cancer du sang qui devait
l’emporter au bout de 9 mois.
Maman
partie, je n’ai pas eu le cœur d’écrire cette enfance qu’elle qualifiait de
malheureuse, marquée par l’ombre une grande absente. Toutefois je me suis
tournée vers les horizons familiaux de l’absente, riches d’une histoire
romantique que je prévois d’écrire. J’ai commencé des recherches généalogiques
et j’ai fini par tomber sur le pot aux roses. Que je ne vous dévoilerai pas.
Parce que je suis romancière et que, pour un romancier, spoiler n’est pas jouer.
Maman sur les genoux de sa mère |