Ce que j'écris, pourquoi, pour qui et les surprises de mon parcours littéraire

Affichage des articles dont le libellé est harcèlement. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est harcèlement. Afficher tous les articles

samedi 11 octobre 2025

Ce que je dois à Hervé Bazin

Décédé en 1996 sur son lieu de naissance, Angers, voilà des lustres qu’il ne faisait plus parler de lui. Est-ce que Vipère au poing est encore étudié au collège ? Je l’ignore. En tout cas je l’ai lu en classe de 3ème.

Aujourd’hui, son auteur est remis en selle à la faveur de l’enquête-évènement d’Émilie Lanez, Folcoche, le secret de Vipère au Poing.

Des images me reviennent en mémoire : la géniale Alice Sapritch dans le rôle de Folcoche, Folle et cochonne, mère indigne martyrisant ses fils, Chiffe et Brasse-Bouillon. Chiffe, comme son sobriquet l’indique, s’écrase au contraire de Brasse-Bouillon qui résiste. Ce dernier n’est autre qu’Hervé Bazin, l’auteur de cette autobiographie à succès, succès aussi phénoménal qu’épouvantable l’anti-héroïne du livre.

Aujourd’hui ce livre se voit qualifié d’imposture. Folcoche ne serait ni une folle ni une cochonne. Par contre, Brasse-Bouillon serait un pervers affabulateur ayant tâté de l’hôpital psychiatrique. Émilie Lanez réhabilite la figure de cette mère, victime d’un féminicide littéraire. Je dirais même plus en osant le terme de matricide littéraire.

Soit. Mais de là à qualifier Vipère au poing d’imposture littéraire voilà un Rubicon que je ne franchirais pas.

Hervé Bazin est avant tout un écrivain, un conteur, et un écrivain a le droit d’écrire ce qu’il est dans la nécessité d’écrire, dût-il commettre des matricides ou des parricides de papier. Il a parfaitement le droit d’inventer, c’est son métier. Être artiste n’est absolument pas incompatible avec la case psychiatrie. Sur un coup de sang, il est arrivé à certain de se trancher l’oreille et, sur un coup de spleen, à un autre de se pendre à une lanterne.

On regrette déjà que des générations d’adolescents furent invitées à lire cette « imposture ». J’en fais partie et, à la dernière ligne, Merci ma mère ! Je suis celui qui marche, une vipère au poing, je me suis reconnue. Rassurez-vous, ma mère était aimante et adorable. Cette phrase, j’aurais pu la jeter à la face de mon institutrice de CE2 :

Merci madame P ! Je suis celle qui marche une vipère au poing.

En effet, cette année-là, j’ai subi ce que l’on nomme à présent un harcèlement continu de la part d’une enseignante qui me haïssait ouvertement. Comme Brasse-Bouillon, j’ai résisté. Cette expérience m’a inspiré une nouvelle figurant dans mon recueil publié aux éditions Auzas.

Si j’ai attisé votre curiosité et si vous souhaitez en savoir plus, je vous invite à lire Coup de grain et à deviner de quelle nouvelle il est question.



 

mercredi 24 avril 2024

L’écriture, un effeuillage mental ?

Drôle d’émotion qui m’étreint à la veille de la parution du recueil de mes poèmes de jeunesse, Mon opium est dans mon cœur. Pour une fois, je parle de moi, et pas entre les lignes comme on peut imaginer que ça peut se passer dans mes romans, mais en vers souvent écrits à la première personne. Voilà qui met en jeu un sentiment quelque peu dérangeant : la pudeur.

Longtemps, je me suis refusé à parler de moi : le sujet ne m’intéressait pas. Je préférais en rire derrière les facéties d’une Josette Gougeard ou d’un Garin Bressol. Diabolo pacte : un traitement de cheval contre mes insuccès éditoriaux et qui m’ouvrit la porte de l’édition.

Puis, tout en me démenant pour me faire publier, j’écrivais des nouvelles, bêtes à concours censées m’ouvrir des portes. Si aucune, parmi celles que je lançai dans la course, ne fut primée, leur recueil est paru aux éditions Auzas.

Parmi ces dix histoires, toutes inspirées du réel, il en est deux purement autobiographiques. La première, Vue courte et pattes d’eph, remonte au temps d’avant mes velléités de publications. Le genre romanesque demeurait encore à mes yeux une épreuve insurmontable. Autant dire que ce récit est un acte purement gratuit, destiné à ne pas être lu. J’y confie mes désarrois de binoclarde à laquelle le port de prothèses oculaires infligea une blessure narcissique déterminante. Au moment où je l’écrivais, les lunettes étaient encore loin de se métamorphoser en accessoire de mode. On ignorait encore que les générations suivantes produiraient de plus en plus de miros. J’ai dû en transformer l’entame afin de l’adapter à l’actualité.

La deuxième, Le bonnet d’Anne d’Agnès B., est directement inspirée de mon vécu. En qualité de témoin quand le père Montariol, notre professeur principal de français-latin, inflige une gifle magistrale à deux garçons surpris à se battre, perchés sur les tables, à coups de tendeurs à vélos.

En qualité d’héroïne principale quand Agnès B. raconte son année de cours élémentaire 2ème année tout au long de laquelle elle subit l’acharnement d’une institutrice, madame P., dont elle devint très vite la tête de turc. Le terme juridique n’avait pas encore été inventé. Aujourd’hui on parlerait de harcèlement. Je retranscris à la troisième personne le déroulement et les détails de mon calvaire quotidien, propos humiliants, coup de règle sur la joue etc., peur au ventre, sentiment d’impuissance, mais aussi la rage de résister au point de remporter une victoire éclatante.

Bien plus tard quand, dans ma vie professionnelle, je me suis trouvée en butte à un harcèlement horizontal, je me suis souvenue de madame P., et j’ai réglé le problème en deux coups de cuillère à pot.

Aujourd’hui, hélas, le harcèlement scolaire est devenu fait de société et conduit de trop nombreuses victimes au suicide. J’en suis glacée d’horreur car, à l’époque, en dépit de mon désarroi et de ma terreur de devoir retourner à l’école, pas une fois l’idée ne m’a traversé l’esprit de me réfugier dans la mort. Les enfants de ma génération étaient peut-être moins au fait que ceux d’aujourd’hui. Le jeudi, le dimanche et les vacances constituaient de véritables coupures nous mettant à l’abri de nos harceleurs. Nous vivions sans téléphone portable, sans téléphone tout cours, hors de réseaux virtuels débouchant sur de véritables crimes, les pieds scotchés aux patins à roulettes ou le front penché sur nos premiers livres, rêvant aux héros des littératures jeunesse d’alors.

Aujourd’hui où les professeurs des écoles se prennent des baffes pour avoir osé ne serait-ce qu’une remontrance, une madame P. serait virée avec perte et fracas de l’Éducation nationale. Ma mère s’était déplacée pour essayer de régler la question à l’amiable.

Je vais mettre des gants, dit-elle à mon père.

Je m’interrogeais sur la couleur des gants. Maman n’avait pas dû enfiler la bonne paire parce que rien ne changea et que l’affaire en resta là. J’étais condamnée à m’écraser ou à me défendre. Seule.

Allez ! J’en deviendrais nostalgique au point de souhaiter me retrouver face à une madame P., pourvu que papa et maman soient là pour me réconforter après l’école.



Ce que je dois à Hervé Bazin

Décédé en 1996 sur son lieu de naissance, Angers, voilà des lustres qu’il ne faisait plus parler de lui. Est-ce que Vipère au poing est enc...