Le vélo mène à tout, y compris aux journalistes, pour peu qu’on emprunte les bonnes routes, friandes de haies et de fossés, avares de véhicules motorisés, avec en point de mire le clocher de charmants villages.
C’était
l’été, celui qui allait se terminer par le début d’une aventure : celle du
1er roman publié. Diabolo
pacte était en cours de fabrication et, ce mois d’août, j’écumais les
libraires de la région toulousaine, débordant sur les départements limitrophes,
en quête de séances de dédicace.
C’était
un dimanche. En duo, nous avons franchi le Tarn, la rivière, et montions en
pente douce vers Salvagnac, première étape sur la route des bastides. Chaque
fois, un grand bonheur d’apercevoir sous un azur de carte postale les bâtisses hésitant
entre le rose et l’ocre couronnées de tuiles romaines ! Nos vélos sont sur
la crête et, à notre droite, un espace couvert de gazon accueille des tables.
Sur l’une d’elles, des livres se posent sur de petits chevalets. Nous
approchons, posons nos vélos. C’est ainsi que nous fîmes connaissance de Jean-Jacques Rouch.
Nous découvrons les titres des romans que nous lirons par la suite : Les yeux d’Izarn, Le maître du safran. Car
Jean-Jacques Rouch est écrivain. Ma
chance d’être deux face à la table c’est que je suis dispensée de parler de la
sortie prochaine de Diabolo pacte.
C’est Jean-Paul qui met le sujet sur le tapis. Jean-Jacques Rouch me propose
alors de lui amener mon livre à la Dépêche du Midi pour un éventuel article si
le livre lui plaît.
Je
l’ignore mais je suis en train de charger mon porte-bagage d’un sacré
avantage : à l’automne, Jean-Jacques m’annoncera au téléphone :
―
J’ai beaucoup aimé votre bouquin.
Et
j’aurai des articles. Que les auteurs qui désespèrent en ces termes :
―
Avoir de la presse ne fait pas vendre.
Que
ceux-là se rassurent :
―
N’avoir aucune presse ne fait pas vendre davantage.
Je
rencontrerai à maintes reprises Jean-Jacques, parfois avec son frère en
journalisme, Michel Baglin. Lors de
mon premier salon du livre, où nous devions tous deux être primés, mon amie
Claudine devait retrouver Jean-Jacques, un ancien camarade du lycée Raymond
Naves. Quelques jours plus tard, il serait sur son palier, casque sous le bras
(Jean-Jacques circulait à scooter) pour lui dire que la Dépêche n’avait pas
encore fait passer l’article sur sa copine. Je me souviens de la réaction de Claudine,
déplorant avoir raté sa vie en ne faisant paraître aucun livre. J’ajouterai un
bémol : avant de publier, il faut quand même avoir écrit et, pour écrire,
en sentir la nécessité. En l’absence de cette dernière condition, on n’a rien
manqué du tout.
Avant
d’envier les gens, il faudrait envisager ce que la vie leur réserve.
Car
la vie est chienne, frétillante de la queue, tout sourire, puis montrant
brusquement les crocs. La maladie allait planter les siens dans les os de
Jean-Jacques avant de l’emporter en 2016.
Quant
à moi, je demeure fidèle au guidon. En pédalant, surtout dans les difficultés,
j’oublie les sujets qui fâchent et me dis que c’est merveille de conserver
une santé à même de me propulser en haut des cols. Quant à la littérature, je
ne trouve nullement matière à me pousser du col.
Salvagnac dans le Tarn |
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