Un jour, un copain auteur m’a raconté une anecdote au sujet d’un directeur de théâtre (quelque chose comme ça) qui demandait toujours aux postulants :
― Avez-vous de la chance ?
Parce que c’est
important, la chance, et comme d’acteur à auteur il n’y a qu’une lettre qui
change, j’imagine que c’est important pour un auteur, a fortiori une locomautrice.
Donc un éditeur serait
inspiré de demander aux auteurs dont ils ont apprécié le foutu manuscrit :
― Avez-vous de la chance ?
Parce que, sans une
once de chance, une larve manuscrite métamorphosée en papillon par le miracle
de la publication ne prendra jamais de lecteurs en ses filets (je plagie mon Diabolo pacte, lequel sera
prochainement réédité aux éditions d’Avallon.
Un brin de pub ne peut que lui porter chance).
Donc, si vous constatez
depuis votre naissance que vous avez la poisse, mieux vaut mentir. Surtout ne
pas avouer l’inavouable : qu’à la date prévue pour chacune de vos
dédicaces, il tombe des hallebardes (personne ne sort), qu’il fait un temps
radieux (personne n’entre), qu’une manifestation passe devant la librairie, que
vous êtes malheureux autant au jeu qu’en amour (sinon pourquoi
écririez-vous ?). Donc vous déclarez :
― Bien sûr que j’ai de la chance.
Et d’étayer :
― Quand je veux me garer il y a toujours une
place qui se libère dans la minute.
Vous omettez de
préciser que vous n’êtes jamais en quête d’une place de parking du simple fait
que le permis vous a été retiré pour conduite en état d’ivresse le jour où vous
avez appris que votre boss vous virait de sa boîte de merde dont le seul
avantage se résumait au minimum vital.
Vous passez sous
silence la fois où votre billet de loto était gagnant et que vous l’avez égaré
dans la rue.
Ce sont des choses
qu’un éditeur n’est pas censé connaître. Donc il est censé vous croire quand
vous lui assurez que vous avez de la chance. Mais, s’il est inspiré, il voudra
vérifier par lui-même que vous ne lui mentez pas et que vous avez vraiment de
la chance.
Donc je lui
conseillerais que, nonobstant l’étroitesse de ses locaux, il installe quelques
chaises, dont une seule savamment déglinguée, et invite à s’asseoir son
candidat ou sa candidate. Je suis bien consciente de plagier l’idée d’un
certain Francis Veber mettant en scène, dans un film portant le nom d’un petit
ruminant femelle, un Pierre Richard exceptionnellement malchanceux au point de
s’asseoir, dans une salle de réunion vide copieusement garnie de sièges, sur le
seul qui s’écroule sous lui. C’est très rigolo, sauf que nos éditeurs n’ont pas
les moyens des grands espaces.
Pour aggraver mon cas
j’avoue que selon l’horoscope chinois je suis du signe de la chèvre, mais que,
parfois et, une fois vraiment vitale, j’ai eu ce qu’on appelle une veine de
bandit.
C’est une histoire que
je vous raconterai un jour. Ou pas.
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