Ce que j'écris, pourquoi, pour qui et les surprises de mon parcours littéraire

vendredi 13 décembre 2024

C’était mieux avant. Ou pas.

Apparemment, cet article n’aurait que peu de rapport avec la littérature. Et pourtant ! Je tenais à m’exprimer sur le sujet tant je vois défiler sur les réseaux sociaux des posts illustrés de photos datant des années 80-70-60 avec des commentaires du style : Que de bons souvenirs ! On était si heureux ! et des contre-commentaires : OK boomer ! C’était pas mieux ! Les femmes n’avaient pas le droit d’ouvrir un compte en banque. Etc. Et le summum : Avant, il y avait des maladies mortelles. Excellente nouvelle : y en n’a plus. Tout se guérit maintenant.

Je pense instantanément à un livre de mon père signé Pierre Gaches et publié dans les années 70 : TOULOUSE – Les jours heureux (1919-1936). Dans ces pages exhalant un parfum entêtant de regret et de nostalgie, l’auteur omet l’hypothèse que, dans un lointain futur qu’il ne connaîtra pas, ces années soixante-dix honnies de lui puissent être qualifiées à leur tour de jours heureux et que la même nostalgie étreindra la poitrine de jeunes gens devenus vieux.

À mon sens, le mythe du bon vieux temps est un archétype ravivé à chaque génération.

Mon avis personnel sur le C’était mieux avant ? En ma jeunesse, déjà cyclotouriste, j’avais la nostalgie de routes sans bagnoles, d’entrées de localité non défigurées par d’immondes carrés de béton voués à la consommation, de places et de parvis débarrassés d’un alignement de suppositoires, bref d’un passé que je n’ai pas connu où la campagne n’était jamais loin.

Personnellement, je n’envie pas l’enfance de nos gosses privés de liberté alors que nous vadrouillions loin du regard de parents pas inquiets le moins du monde.

Personnellement, je n’ai pas aimé (et c’est un euphémisme) l’ère du QR code sanitaire et vaccinal que je n’aurais montré pour rien au monde (surtout pas pour être à un salon du livre) à des vigiles ou à des citoyens faisant office. Peut-être que dans le futur, d’aucuns évoqueront avec nostalgie les deux années d’auto-attestations et de masques en forêt.

Je remarque néanmoins que les anciens ayant connu la dernière guerre et l’Occupation n’ont aucune nostalgie d’une jeunesse gâchée (ce sont leurs mots), quand elle ne fut pas massacrée dans les luttes de la Résistance ou les tueries d’Oradour, de Marsoulas et de tant de lieux marqués au fer rouge de la barbarie nazie.

Cependant, je suis bien consciente que ce blog existe grâce au progrès numérique, même si moi-même n’échappe guère aux sirènes de la nostalgie. Sauf quand je tire une valise au lieu de la porter.

Quel rapport avec la littérature ? La réponse dans le prochain article.





lundi 2 décembre 2024

Récital

Dernier salon du livre dans un lieu historique prestigieux dont la beauté attire un public avide d’esthétique. Question beauté, j’y exposais mes livres, fictions et poésie. Mon opium est dans mon coeur soulevait quelque intérêt, servi pas sa première de couverture illustrée par un tableau de Manuel Candat, mon père. Moi-même leur sers un court poème, histoire de leur souffler en nez quelque fumée d’opium :

 

Est-ce le vent qui rêve

Est-ce le vent qui joue

Quand il se prend au piège

Des feuillages

Et qu’il s’accroche aux fleurs

Comme un rideau changeant

Et qu’il fait des jardins

Les chambres du printemps ?

 

Et voilà que je reçois de la part d’un visiteur cette réflexion étonnante. Mais je ne devrais plus m’étonner de rien !

J’aime la poésie, mais je n’en lis pas.

Mince alors ! J’aime les frites, mais je n’en mange pas. Pareille réflexion n’est pas pour me donner la patate.

Heureusement qu’il n’y a pas que les salons, il y a aussi les récitals. L’avant-veille j’étais conviée à lire quelques poèmes dans le cadre du Festival de la Beauté organisée chaque année par la diaconie. L’amie, fidèle lectrice qui a soufflé mon nom aux organisateurs, me véhicule à l’école de l’Annonciation de Seilh, à travers les rocades et avenues de l’Ouest toulousain vouée à l’aviation et à l’avionique.

Le thème de l’année 2024 est la Genèse. Les récitants déclinent la thématique sur une gamme variée, allant du poème au slam, de la chanson au conte. Quant à moi, j’ai choisi deux poèmes extraits de L’opium de l’artiste, titre du premier chapitre. À la fin, j’ai salué mon public en coup de vent (voir plus haut). L’évènement a été pour moi l’occasion de rendre hommage à mon père en lisant le poème que je lui avais écrit en ma jeunesse et qui fut lu lors de ses obsèques : À mon père, le peintre.

Moment chargé d’émotion partagée par un public sensible à ma poésie. Peut-être ce monsieur qui ne lit pas de la poésie aime-t-il l’entendre, entendre des mots qui sont à eux seuls des notes de musique.

Quant à la poésie et moi, une longue histoire : https://claudine-candat-romanciere.blogspot.com/p/mon-opium-est-dans-mon-coeur-poesie.html



lundi 18 novembre 2024

Et Toulouse, macarel !

Quoi de plus naturel de parler de sa ville, d’y planter le décor de ses romans, d’y faire vivre ses personnages, quand on est auteur, ou autrice, pour faire plaisir aux gardien.n.e.s de l’inclusivité. Et mon point dans…, tu le veux ? Bah ! Je plaisante !

En qualité de locaumotrice je m’entends déjà hurler dans le mégaphone :

Le TGV en partance de Toulouse Matabiau est annoncé voie Léon Gambetta.

TGV signifie en l’occurrence : témoignage de grande vie. Vous aurez reconnu l’adresse de la librairie Ombres Blanches.

Le TER en partance pour le salon du livre de Montauban est annoncé…

Non, il ne s’agit pas de taureau en rut, mais de tirage en rab, puisque, dans les salons, on expose la totalité de sa production.

Dans mes romans on peut d’ailleurs parler de train.

La preuve par le livre : Diabolo pacte, page 23 : Lorsqu’il parvint à sa taille définitive, un mètre cinquante, il envisagea de se jeter sous le train. Jamais il ne serait ce beau type dévalant une piste de ski ou ce play-boy frimant à une terrasse de café avec des lunettes de soleil. Fermement décidé à en finir, il clopinait vers le Tarn jusqu’à la voie de chemin de fer. Le long du petit kilomètre qui séparait Rabastens de sa gare, il se voyait allongé en travers des rails en attendant la micheline de Carmaux ou de Toulouse. Arrivé au bord de la voie ferrée, il restait debout, incapable de se coucher au passage du convoi, et regardait, hébété et soulagé, les rames jaunes et rouges défiler à toute allure.

Vous vous doutez bien qu’il ne se jette pas sous le train, sinon il n’y aurait pas eu de roman.

Pour mon thriller franco-allemand, Elwig de l’Auberge Froide, j’ai situé la partie française du roman dans le Midi toulousain.

L’histoire commence à Toulouse au cœur d’un mois de juin caniculaire. Les Toulousains y sont habitués. Ce qu’ils connaissent moins, c’est un endroit réfrigéré de la ville : la morgue, qui se situait jusqu’à récemment dans les sous-sols de l’hôpital Rangueil.

J’offre aussi à mes lecteurs quelques virées dans Toulouse :

La preuve par le livre : Elwig de l’Auberge Froide, page 24 : Noctambule en plein hiver, le Toulousain se surpasse par temps de canicule. Le long du canal le trafic est presque aussi dense que le jour, avec une touche d’anarchie. Mirouze est attentif aux queues de poisson et aux changements intempestifs de direction. Sur sa gauche l’église Saint-Aubin, carrée et massive, lutte au corps à corps avec le crépuscule en feu. Gérald cherche ses lunettes de soleil quand, au dernier moment, il est obligé de piler pour éviter deux piétons qui s’engagent sur la chaussée en lui faisant un bras d’honneur. La soirée commence bien, peste-t-il en franchissant le canal. Laissant le bâtiment futuriste de la médiathèque, Gérald s’élance vers les hauteurs de Jolimont, parvient au sommet, entame la descente en douceur, puis emprunte la rue Louis Plana, franchit le carrefour du collège avant de tourner à droite.

J’ai en effet poussé le vice jusqu’à loger mon médecin légiste n°1 dans le quartier où j’ai grandi. Plus facile en effet que d’aller vous balader aux Izards où je mets rarement les pieds ou la roue. Je me suis même offert le luxe d’offrir à l’un des suspects le n°38 de l’avenue Crampel, propriété de mes arrière-grands-parents où j’ai passé les 2 premières années de ma vie. L’histoire de cette maison est en elle-même un roman que je n’écrirai peut-être pas.

Quand on se démène pour être publié et lu, pourquoi se refuser des menus plaisirs qui ne font de mal à personne, surtout pas au lecteur qui n’y voit que du feu. Du feu aussi brûlant que Toulouse par temps de canicule.

Médiathèque José Cabanis Toulouse


 

lundi 4 novembre 2024

Le Paris de Diabolo pacte

Suite de l’état des lieux… de mes romans. Le pari de Diabolo pacte, mon premier roman publié, consistait à évoquer un monde dans lequel je n’avais jamais mis les pieds et dont je ne connaissais que les lettres de refus. Où situer ce monde de l’édition, si ce n’est à Paris ? Or, si le premier éditeur de Diabolo pacte avait son adresse dans le Quartier Latin, les maisons qui par la suite m’ont fait l’honneur de me publier ne sont ni germanopratines ni parisiennes.

Mon thriller européen, Elwig de l’Auberge Froide, a été pris à Genève. Les deux premiers volets de ma saga de science-fiction sont sortis à Metz. Diabolo pacte a fini par ressusciter près de Montpellier. Coup de grain, nouvelles, est toulousain. Mes poèmes de jeunesse, Mon opium est dans mon cœur, ont eu l’heur de plaire à Castelnaudary.

Dans Diabolo pacte, tout le monde monte à Paris : l’éditeur, sa pulpeuse comptable et les deux écrivains du roman, tous attirés, comme par un aimant, par les éditions 1515 qui n’existent que dans mon imagination.

Le Diable correspondant à l’arcane XV du tarot divinatoire, il allait de soi de situer le siège de cette satanée maison dans le XVème arrondissement, arrondissement où j’avais suivi une formation syndicale. Certes, j’avais pu humer le parfum des rues et du Front de Seine, mais pour écrire le roman je me suis servie du plan de la ville.

La preuve par le livre : C’est alors que les portes d’une maison d’édition s’ouvrirent devant lui, non la porte rêvée de l’écrivain publié mais un petit vasistas où il s’introduisit comme lecteur. Le petit vasistas se situait au numéro 15 de la rue Gutenberg. Dans la réalité Garin entra par la porte cochère sur les recommandations de sa dernière maîtresse qui avait des accointances avec le milieu éditorial. Il sortit du métro à Javel et boitilla le long des quais, humant la légère odeur de vase qui montait du fleuve. Il découvrit ce jour-là, impressionné, la perspective d’immeubles du Front de Seine.

Le soir, nous avions mangé tous ensemble au restaurant du Commerce. Un collègue parisien parla de l’arrondissement, de son passé industriel subsistant par le nom de ses quais. Javel, André-Citroën. À l’époque, je n’avais pas encore dans l’idée d’écrire une comédie sur le milieu de l’édition. J’avais encore l’illusion que ma saga de SF passerait la rampe. Nous ignorions tous, y compris lui-même, qu’une fin tragique attendait notre collègue parisien.

Dans la vie, hélas, nous ne disposons pas tous d’une fronde virtuelle pour terrasser nos adversaires.

Entre temps, Diabolo pacte a trouvé preneur. Lors de notre premier contact, mon directeur de collection a remarqué :

Vous connaissez bien Paris. J’ai bien reconnu le XVème où vivaient mes parents.

Voir à travers un plan de ville comme l’extralucide dans sa boule de cristal, un don d’écoute, un zeste de médiumnité, est-ce ainsi qu’on bâtit un décor quand on est romancière ?



jeudi 17 octobre 2024

État des lieux

Longtemps je me suis couchée avec la superstition au cœur : parler d’un livre qui n’est pas encore publié, voire pas encore écrit, ne pourrait que porter malheur. Comme passer sous une échelle quand le gars qui y est perché lâche un marteau au moment où vous passez. Quoique n’en parler qu’après sa sortie, en en faisant la promotion, ne garantit pas le succès. Alors je m’abandonne au flux de mon actualité.

Jamais encore je ne m’étais spécialement rendue sur les lieux d’un roman en gestation. C’est évident pour Poussière de sable, ma saga de science-fiction, mon premier essai romanesque. Je n’ai jamais quitté la galaxie, mais me suis dotée d’une solide documentation scientifique.

Essai non transformé qui m’a valu une rafale de lettres de refus de la part des éditeurs. J’ai alors décidé de changer mon fusil d’épaule en sublimant cet échec. En imaginant Diabolo pacte, je suis sagement restée sur le plancher des vaches. J’ai pris principalement pour décor Laon, préfecture de l’Aisne, où j’ai travaillé trois années durant. Si j’ai pu un temps me rallier à l’avis de Claude Lévi-Strauss et de Simone de Beauvoir qui s’y sont, des décennies avant moi, royalement ennuyés, j’ai fini par apprécier le charme d’une campagne verdoyante couverte de forêts à même d’égarer le plus dégourdi des petits Poucets. La vie n’étant pas forcément un conte de fées il n’y a pas de miracle en la matière : si c’est vert c’est que c’est copieusement arrosé. En effet, il ne se passait pas une semaine sans qu’il ne pleuve.

La preuve par le livre : La veuve Gougeard jouissait depuis son trois-pièces au cinquième étage d’une vue imprenable sur la cathédrale de Laon dressée sur la ville haute. Par temps clair elle pouvait détailler les vaches et les gargouilles sculptées dans la pierre de taille mais elle ne les regardait plus. D’abord elle ne mettait jamais les pieds sur son balcon parce qu’à Laon il pleuvait six jours sur sept et aussi le dimanche, et puis elle aurait bien troqué contre un paysage de tôles ondulées ce point de vue sur la cathédrale gothique qui faisait grimper ses impôts locaux à des hauteurs himalayennes.

J’ai sillonné le département dans le cadre de mon travail, mais aussi à vélo et à pied. Certes, le soleil me manquait, mais je savais apprécier la beauté de paysages qui devait beaucoup à la profusion de verdure et à la majesté des chênes et des hêtres. J’ai découvert avec émotion les champs plantés de croix blanches au pied desquelles croissaient des colonies de champignons des prés.

Avec le Breton, j’ai sillonné la campagne picarde à bord de notre 4L bleu ciel. C’est avec ses yeux que j’ai redécouvert les pâtures saturées de jonquilles et les parterres de tulipes à l’entrée des villages. Avec le Breton, j’ai tremblé sur les horreurs de la Grande Guerre, déchiffrant sur les pancartes des noms de lieux célèbres qui n’auraient jamais dû dépasser les bornes du département : Craonne, le chemin des Dames. Il ramassait dans les immenses cimetières militaires des brassées de champignons aussi blancs que les croix au pied desquelles ils poussaient. Le soir, je les faisais frire à la poêle.

Parmi les personnages principaux de Diabolo pacte, deux viennent de Laon et montent à la capitale pour être publiés par les éditions 1515, sise dans le XVème arrondissement de Paris : Josette Gougeard et Antoine Maurier.

Mais Paris est une autre paire de manche pour la Toulousaine que je suis. Et puis le dlog quêtant hebdomadairement sa pitance, il n’est pas opportun de le rassasier d’un coup.

Manuel Candat, Réminiscence de Laon


mardi 27 août 2024

Inversons les rôles !

Vous venez d’écrire un texte, roman, recueil de nouvelles ou de poésies. Cet objet, qu’il soit imprimé ou consultable sur écran, n’est pas encore un livre, n’ayant pas d’existence publique par la grâce d’un éditeur.

Vous le lancez dans l’arène, soit par la poste soit d’un simple clic avec message introductif, anxieux quant à son accueil par les éditeurs que vous avez sollicités.

Vous avez relu mille fois votre œuvre, peaufiné votre message, chiadé votre biobibliographie. En tout cas, c’est ce que je fais.

En retour vous obtenez le silence ou un refus, et vous pensez que l’éditeur qui vous dit non est confit de civilité pour le simple fait de s’être donné la peine de vous répondre. Parfois, il va même jusqu’à vous prédire que, vu la qualité de votre texte, l’un de ses confrères la publiera certainement.

Des taules pareilles, j’en ai pris plus d’une en travers du museau au point que j’en viens à me poser la question de l’autoédition où le risque que je prendrais serait de me refuser moi-même. Ou bien d’écrire pour mon bon plaisir en me gardant bien de passer des plombes à solliciter un éditeur.

C’est les vacances, et je vais m’accorder le luxe d’inverser les rôles. Or j’avoue que j’ai déjà refusé des éditeurs.

Il y a d’abord ceux auxquels je n’enverrai jamais rien. Passons sur l’absence de diffuseur-distributeur, compensée par un onglet boutique où le lecteur commande son panier et paye des frais de port. Dès que je lis dans la rubrique à propos où la maison d’édition est censée se présenter des celleux ou autres lecteur-ices, je fuis à toutes jambes, l’inclusion forcenée n’étant pas ma tasse de thé. Est-ce que de se dire autrice vous fait vendre plus de livres ?

Je fuis aussi les éditeurs dépourvus de réseau de diffusion-distribution mais exigeant l’envoi d’un manuscrit imprimé par la poste. Certes, l’impression papier, y compris celle d’un malheureux ticket de caisse, n’est pas pire pour la planète que des bases de données carburant jour et nuit. Il y a que les frais postaux coûtent désormais une blinde.

Je fuis également les éditeurs dont les contrats comportent des clauses comminatoires où l’auteur est menacé de devoir débourser 500 € au cas où il aurait l’outrecuidance d’exiger que le bon à tirer s’approche de la perfection. Il ne faudrait pas corriger plus de 2 fois !

Je dois ajouter que la taille des contrats a de quoi me rebuter : 20 pages à étudier. Voilà qui me file un mal de cougourde rien que d’y penser.

Un petit exercice pour en finir avec le sujet. Je vous invite à rédiger votre lettre de refus aux éditeurs, histoire de rigoler.



lundi 19 août 2024

Et si on causait poésie ?

Puisque c’est en quelque sorte mon art premier, mon premier cri d’artiste poussé, non à la naissance – ce serait plus fort que du Diabolo pacte – mais dès l’enfance.

« Tout homme bien portant peut se passer de manger pendant deux jours, de poésie, jamais. », proclame Charles Baudelaire. Ceux qui ont connu l’Occupation ou grandi dans des contrées où l’abondance de bouffe demeure dans les brumes de l’utopie en concluront que notre immense poète mangeait au moins une fois par jour.

Quand je regarde autour de moi les métamorphoses de l’environnement, j’en viens à la question : un individu sain d’esprit peut-il se satisfaire de tant de laideur ? Peut-il se passer de Beauté ? Vous avez deux heures. Plaisanterie à part, n’hésitez pas à donner votre avis et à laisser un commentaire.

Si j’en viens à Baudelaire, c’est que notre rencontre a été déterminante, autant que celle avec les vers d’Alfred de Musset que j’ai racontée dans un précédent article.

Je devais avoir 16 ans. Un an plus tôt, mon parrain revenait d’Amérique après plus de 10 ans d’absence avec une tante et des cousins inconnus : un ouragan dans mon temps immobile. Mon parrain m’a fait un cadeau inestimable, non qu’il ait cassé sa tirelire, bien peu remplie après avoir quitté un Canada en proie au marasme économique. Un petit livre, qui lui avait sûrement été offert à l’occasion d’une promotion, objet d’apparence anodine, mais qui a ébranlé la terre sous mes pieds. Soudain, j’ai été confronté à la Beauté et la beauté de la Laideur : Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or. Car si un poète mineur possède l’art de charmer, les grands poètes, du haut de leur immensité, ont ce pouvoir : il y a un avant et un après les avoir lus.

Mon rapport à la poésie n’a plus été le même après la découverte des premiers vers des Fleurs du Mal. Non que j’ai cherché à imiter le poète de l’Albatros. Toujours est-il qu’en tant qu’HVQ (handicapée de la vie quotidienne) je peine à avancer sur le plancher des vaches, et surtout à marcher droit sous le fouet et la férule.

 


Inventaire 2024

Avant la trêve des confiseurs, il est temps de faire le bilan. Je débute l’année avec plusieurs flèches à mon arc de locaumautrice : toujo...