Le génial Pierre Desproges établit une analogie entre la nostalgie et les coups de soleil. Ça ne fait pas mal pendant, ça fait mal après. Or l’écrivain concocte sa propre biafine pour panser les brûlures occasionnées par une exposition prolongée aux rayons délétères de la nostalgie. Médecin et pharmacien, il pratique l’art du diagnostic et du traitement. Le véritable maître du temps, c’est lui, ou elle (quand on est locomautrice). Sa plume voltigeuse a le pouvoir de se catapulter dans un lointain futur hors galaxie. Poussière de sable, ma saga de science-fiction, s’aventure dans un espace-temps qui n’est pas le nôtre, s’affranchissant des contraintes d’une temporalité prenant l’apparence d’une flèche s’interdisant tout retour en arrière.
Plus modestement, l’écriture est
le moyen idéal de parler de soi et de raconter son propre passé. Pierre
Bellemare était d’avis qu’un auteur parlait toujours de lui, même quand il
était question dans ses romans d’une petite fourmi. N’est-ce pas, Bernard
Werber ? J’ignore si en mettant en scène mes gogorkis et mes euskaliens je
parlais de moi. Il faudrait forer très profond, mais ce que je dois vous avouer
c’est que dans mon recueil de nouvelles inspirées du réel, Coup
de grain, j’ai quasiment donné par 2 fois dans l’autobiographie.
Dans Vue courte et pattes d’eph je raconte mes complexes de myope en ces
années soixante-dix où les pantalons balayaient les parquets et où les lunettes
étaient d’infâmes prothèses. Les verres à l’état brut déformaient les visages
afin de corriger la vision de loin et les axes d’astigmatisme. Sans parler du
poids sur le nez ! Quant aux montures, elles rompaient net inexorablement
une fois l’an. Peut-on imaginer le sentiment de délivrance engendré par les
lentilles de contact ? La première fois que je me suis vue avec dans le
miroir de l’opticien, je ne me suis pas reconnue. Bien sûr, cette nouvelle ne
se contente pas de raconter une partie de ma vie car mon plaisir n’est pas de
parler de ma petite personne mais de romancer.
Le bonnet d’âne d’Agnès B m’a offert l’occasion de revenir sur les
bancs de l’école telle que je l’ai connue. La scène où le professeur principal
gifle deux élèves de 6ème surpris à se battre sur les tables à coups
de tendeurs à vélo est authentique. L’atmosphère de tragédie grecque dans un
lourd silence aussi. Quant à la description précise du calvaire d’une Agnès B
en butte à son institutrice tout au long de son année de cours élémentaire 2ème
année, je l’ai vécue mot à mot. En classe de 3ème, après avoir
refermé Vipère au poing, j’ai repris
à mon compte les remerciements d’Hervé Bazin à Folcoche, sa mère indigne, avec quelque changement :
― Merci, madame P., grâce à
vous, je suis celle qui marche une vipère au poing.
En effet, quand je me suis, des
décennies après, retrouvée dans une situation de « harcèlement »
professionnel, j’ai compris, quoique avec un temps de retard, et j’ai su
réagir.
La nouvelle qui clôt le recueil, La carotte et le pilon, parlera à tous
les postulants à la publication et au succès. J’espère qu’elle fera rigoler mes
lecteurs, qu’ils taquinent ou non la muse. Car, lorsqu’on est auteur et partant
une personnalité publique (ce n’est
pas moi qui le dit, mais monsieur Google. Ô surprise !), mieux vaut
pratiquer l’autodérision que passer pour Caliméro.
Mais assez parler de moi. La
prochaine fois, je vous cause roman historique.
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