Non, ce n’est pas l’énoncé d’une dissertation de philo, j’ai passé l’âge et me demande même si je décrocherais le bac si je le passais aujourd’hui. Personnellement, je préfèrerais m’y embarquer pour franchir la Garonne.
Lors de mes dédicaces, j’ai rencontré d’ex-futurs lecteurs
me faisant part de leur souhait exclusif :
― Je ne lis que des essais.
― Je veux du vrai !
Je ne peux leur proposer que de la fiction, d’inspiration
fort variée il est vrai, mais de la fiction tout de même : des histoires
tirées des forges de mon imagination.
Mais, il y a un MAIS que je me permets de développer
derrière la table de dédicace et ici, derrière l’écran blanc de mon ordinateur.
Il est énorme.
Prenons
un roman, romantique à souhait, au sens allemand du terme : Elwig de
l’Auberge Froide, hanté par des personnages mystérieux : une héroïne de
cape et d’épée, Elwig von Sankt Märgen, un étudiant de 1805 en route pour
parfaire sa médecine à Vienne, Franz Kampfer, un médecin légiste affublé d’une
épouse psychotique, Michel Leduc, et tous les autres. Certes, l’histoire qui se
déroule de 1805 à nos jours est imaginaire, mais elle s’appuie sur des
évènements historiques avérés et vérifiés. Si bien que mon lecteur s’instruit
dans des domaines faisant partie de son patrimoine culturel (l’Occupation, la
Résistance dans la forêt de Buzet-sur-Tarn, les prisonniers allemand en France
après la Libération) et dans des domaines qu’il connaît moins, voire pas du
tout : la transformation de la société allemande suite à l’occupation
napoléonienne, l’exode apocalyptique des Allemands des Marches orientales du
Reich vers l’Ouest sous la poussée de l’Armée rouge en 1945, etc.
Je
suis même tombée sur un fait divers en parfaite correspondance avec mon
thriller franco-allemand : en 1955, une jeune Anglaise voyageant à vélo
est étranglée par un criminel récemment libéré du bagne. Direct
avant-dernier paragraphe.
Or,
ce qui distingue un roman d’un essai, c’est sa dimension artistique. En
écrivant Elwig de l’Auberge Froide je
ne perdais jamais de vue mon horizon : celui de faire œuvre d’art avec les
outils à disposition de l’écrivain : les mots de l’état et de l’action, la
musicalité des phrases, le rythme du récit, l’utilisation des temps et des
modes pour orienter le lecteur. Bref, ce qu’on appelle le style. Le Beau devait empreindre le macabre et le
sordide.
Quant
au Bon, tel n’est pas mon souci, ne
me tracassant ni d’envoyer des messages à mes lecteurs ni de morale. Mes
personnages non plus en prenant le pouvoir et coupant le cordon d’avec l’auteur
de leurs jours littéraires. Ils sont comme nous : ni modèles de vertu, ni
parfaites ordures, âmes grises au
sens où l’entendait Philippe Claudel, romancier français que j’apprécie
particulièrement.