C’est moche une larve avant qu’elle ne se transforme en papillon, si tant est qu’elle en ait les moyens. Il en va de même des romans. L’auteur pond une larve, autrement dit un manuscrit, le cœur battant d’espoir qu’un éditeur accepte de financer sa métamorphose. Je parle bien sûr de l’édition à compte d’éditeur, pas de contrats avec un prestataire de service prêt à publier n’importe quoi pourvu que l’auteur paye ou s’engage à acheter x exemplaires.
Mitraillée
de lettres de refus suite à l’envoi de mon 1er essai romanesque, Poussière de sable, je me suis relevée
en décidant de sublimer cet échec par l’autodérision. J’ai pris le parti d’en
rire et de faire rire les éditeurs et, si possible, de futurs lecteurs. Et j’ai
tapé directement à l’écran les premières lignes d’une histoire de pacte avec le
Diable dans le milieu de l’édition, entraînée d’une main par mon nabot boiteux
d’éditeur, Garin Bressol, et de
l’autre par la grotesque Josette Gougeard.
Le titre m’est tout de suite apparu : Diabolo
pacte.
À
peine avais-je posé le point final que je me suis rendue à la remise d’un prix
littéraire. Je me suis fait dédicacer le livre primé puis j’ai attendu dans la
file d’attente pour aborder l’heureux lauréat :
―
Je viens d’écrire un roman. Pouvez-vous me donner un conseil ?
Jean-Claude
Ponçon m’a répondu :
―
Pour cela il faudrait que je lise ce que vous écrivez.
Justement,
j’avais la disquette (nous étions en 2005) et le fameux fichier sur moi. Un pur
hasard.
―
Je peux vous donner la disquette. Je vous jure que ce n’était pas prémédité.
J’ignore
si Jean-Claude m’a cru. En tout cas, il a pris la disquette avec mes
coordonnées.
Deux
mois s’écoulent. Un jour le téléphone sonne sur mon lieu de travail et
j’entends :
― Ponçon.
J’ai
failli tomber du fauteuil.
À un
certain moment j’ai parlé du livre. Et
j’ai été douchée.
― Ce n’est
pas un livre.
C’était
dit franco de port et d’emballage.
― Mais…
Il y avait
un mais.
― Mais
vous avez du style et ça c’est bien à vous.
Conclusion :
il fallait que je réécrive tout pour que ce soit publiable. Je me remets donc
au travail, entamant la version qui trouvera ses éditeurs.
À quelque
temps de là, une amie de passage à Toulouse avait commencé à lire Diabolo pacte chez une amie commune
ayant apprécié le manuscrit. Je lui ai dit qu’il ne fallait pas lire cette
version car j’étais en train de tout refaire. Elle insistait pour l’emporter
avec elle dans le train. Je n’étais pas d’accord et j’ai repris ma larve-manuscrite reliée avec une
spirale. Elle me l’a carrément arrachée des mains. C’est à ce moment-là que
j’ai pris conscience du potentiel de mon ovni déjanté.
Jean-Claude
Ponçon est devenu mon parrain littéraire.
Diabolo pacte a été
publié par un éditeur du Quartier Latin.
Cet
éditeur a fait faillite, il m’arrivait ce qui arrive dans le roman.
Diabolo pacte a été
réédité par un éditeur de Montpellier.
Les deux
éditions ont reçu un prix littéraire.
Quant aux
lecteurs, certains rient en lisant. D’autres lisent en riant. Certains y voient
une tragédie. Et vous ?
Quant
à moi, dans l'attente de la parution de mon 7ème livre, j’y lis la
confirmation de la dureté et des difficultés du monde de l’édition. Je pourrais
dire : Antoine Maurier c’est
moi. Si vous ne savez pas qui est Antoine
Maurier, il est encore temps de rire en lisant Diabolo pacte, sous format papier ou numérique.
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