Donnons au blog son os à ronger. Peut-être y trouvera-t-il sa substantifique moelle, avant d’aborder les deux évènements marquants de ma vie littéraire de ce début d’année : la réédition de Diabolo pacte (article rédigé alors que je ne connaissais pas les éditions d'Avallon) et la parution de Vue courte et pattes d’eph.
Depuis
que le mot est entré en scène par le biais de la féminisation à tout crin des
substantifs pour faire inclusif, je
tourne autour du pot, telle une poule rechignant à plonger dans la marmite.
Bref, au lieu de dire que je suis autrice,
je réponds romancière, n’osant
m’attribuer ce merveilleux nom d’écrivain
que je n’oserais affubler d’un e à même de lui faire perdre sa charge magique.
Quelques
années auparavant je m’étais exprimée sur la question dans Diabolo pacte, roman qui tourne autour des livres et du monde de
l’édition. Je vous offre aimablement quelques extraits :
Le troisième auteur était une auteure. C’est ainsi qu’elle se présenta au
grand dam du prof de français qui sommeillait en Bressol et qui penchait plutôt
pour la règle commune : emmerdeur, emmerdeuse, auteur, auteuse. Toujours
est-il que, eure ou euse, celle-ci brûlait de l’ambition de devenir écrivaine
mais en dix pages Bressol eut largement le temps de se persuader que de ce
point de vue-là elle était grillée, et même calcinée.
Donc,
du jour au lendemain, j’ai appris que j’étais autrice, du moins que c’est ainsi que je devais me nommer auprès de
mes consœurs et confrères, lectrices et lecteurs et même auprès du concierge et
du facteur venant me présenter le calendrier de la poste, tradition à laquelle
je ne faillis jamais, étant moi-même la fille du facteur.
Et
tout de suite, j’ai dit non, je ne dirai pas ce qu’on a décrété que je devais
dire.
J’ai
coupé la poire en deux, plaisantant que je préférais qu’on me prît pour une locomautrice, cette folle du logis,
l’imagination, entraînant le lecteur (et la lectrice) dans des lieux où il
n’aurait jamais mis les pieds sans le souffle de ma plume.
Dernièrement,
j’étais derrière ma table de dédicace, en plein froid d’un marché de Noël,
quand un jeune couple s’est penché sur mes romans, notamment ma saga de SF, Poussière de sable. Et voilà que
j’entends : Vous êtes une autrice…Je
ne me souviens plus de la suite. Et je me suis posée la question :
―
Pourquoi ce p… de mot te dérange tant ? Tout le monde l’emploie
maintenant.
Je
me suis dit, il est dans la lignée de acteur
actrice, amateur amatrice. Et
puis j’ai trouvé. J’ai mis le doigt où ça me faisait mal. Ce qui m’a choqué,
c’est la célérité des gens (qu’ils écrivent ou qu’ils lisent) à adopter le
comportement qu’on attend d’eux.
Ces
trois dernières années m’ont conforté, hélas, dans mon malaise. La majorité
s’est conformée à des inj.on.e.c.tions paradoxales. Et la dernière :
― Baissez le chauffage, éteignez la lumière,
décalez la lessive. Replongez dans le précédent article
et vous saurez ce que j’en pense.
Vaut-il
la peine de monter sur ses ergots pour si peu ? Mais c’est peu à peu que
le conformisme gagne. Petit bout par petit bout qu’est rogné le territoire de
la libre expression avec l’éviction de termes non conformes à la doxa.
Je
suis une romancière transgenre qui se balade de la SF au roman contemporain, je
n’écris pas au féminin, je suis une femme née au XXème siècle qui
écrit avec ses tripes, son cœur et son cerveau (dans le désordre) et ce qui me
gêne, quand j’écris, ce n’est pas le teur ou le trice, c’est de devoir quitter
le clavier pour m’atteler à la tambouille ou prendre le plumeau pour ne pas
disparaître sous la poussière qui, chez moi, n’est pas toujours de sable.