Ce que j'écris, pourquoi, pour qui et les surprises de mon parcours littéraire

jeudi 5 janvier 2023

Comment je ne suis pas devenue autrice

Donnons au blog son os à ronger. Peut-être y trouvera-t-il sa substantifique moelle, avant d’aborder les deux évènements marquants de ma vie littéraire de ce début d’année : la réédition de Diabolo pacte (article rédigé alors que je ne connaissais pas les éditions d'Avallon) et la parution de Vue courte et pattes d’eph.

Depuis que le mot est entré en scène par le biais de la féminisation à tout crin des substantifs pour faire inclusif, je tourne autour du pot, telle une poule rechignant à plonger dans la marmite. Bref, au lieu de dire que je suis autrice, je réponds romancière, n’osant m’attribuer ce merveilleux nom d’écrivain que je n’oserais affubler d’un e à même de lui faire perdre sa charge magique.

Quelques années auparavant je m’étais exprimée sur la question dans Diabolo pacte, roman qui tourne autour des livres et du monde de l’édition. Je vous offre aimablement quelques extraits :

Le troisième auteur était une auteure. C’est ainsi qu’elle se présenta au grand dam du prof de français qui sommeillait en Bressol et qui penchait plutôt pour la règle commune : emmerdeur, emmerdeuse, auteur, auteuse. Toujours est-il que, eure ou euse, celle-ci brûlait de l’ambition de devenir écrivaine mais en dix pages Bressol eut largement le temps de se persuader que de ce point de vue-là elle était grillée, et même calcinée.

Donc, du jour au lendemain, j’ai appris que j’étais autrice, du moins que c’est ainsi que je devais me nommer auprès de mes consœurs et confrères, lectrices et lecteurs et même auprès du concierge et du facteur venant me présenter le calendrier de la poste, tradition à laquelle je ne faillis jamais, étant moi-même la fille du facteur.

Et tout de suite, j’ai dit non, je ne dirai pas ce qu’on a décrété que je devais dire.

J’ai coupé la poire en deux, plaisantant que je préférais qu’on me prît pour une locomautrice, cette folle du logis, l’imagination, entraînant le lecteur (et la lectrice) dans des lieux où il n’aurait jamais mis les pieds sans le souffle de ma plume.

Dernièrement, j’étais derrière ma table de dédicace, en plein froid d’un marché de Noël, quand un jeune couple s’est penché sur mes romans, notamment ma saga de SF, Poussière de sable. Et voilà que j’entends : Vous êtes une autrice…Je ne me souviens plus de la suite. Et je me suis posée la question :

Pourquoi ce p… de mot te dérange tant ? Tout le monde l’emploie maintenant.

Je me suis dit, il est dans la lignée de acteur actrice, amateur amatrice. Et puis j’ai trouvé. J’ai mis le doigt où ça me faisait mal. Ce qui m’a choqué, c’est la célérité des gens (qu’ils écrivent ou qu’ils lisent) à adopter le comportement qu’on attend d’eux.

Ces trois dernières années m’ont conforté, hélas, dans mon malaise. La majorité s’est conformée à des inj.on.e.c.tions paradoxales. Et la dernière :

Baissez le chauffage, éteignez la lumière, décalez la lessive. Replongez dans le précédent article et vous saurez ce que j’en pense.

Vaut-il la peine de monter sur ses ergots pour si peu ? Mais c’est peu à peu que le conformisme gagne. Petit bout par petit bout qu’est rogné le territoire de la libre expression avec l’éviction de termes non conformes à la doxa.

Je suis une romancière transgenre qui se balade de la SF au roman contemporain, je n’écris pas au féminin, je suis une femme née au XXème siècle qui écrit avec ses tripes, son cœur et son cerveau (dans le désordre) et ce qui me gêne, quand j’écris, ce n’est pas le teur ou le trice, c’est de devoir quitter le clavier pour m’atteler à la tambouille ou prendre le plumeau pour ne pas disparaître sous la poussière qui, chez moi, n’est pas toujours de sable.



2 commentaires:

  1. Tu sais à quel point je partage ces remarques. La féminisation, inutile- car il s'agit dans bien des cas d'un genre neutre qui manque au français, finira par appeler une masculinisation (j'ai bon) de mots qui ne sont pas nécessairement féminins et qui pourtant le semblent, comme la : "Guillotine " rebaptisée : "la veuve". Quand au langage des abrutis "inclusifs" qui quand il est utilisé fait poser le texte sans espoir de reprise, je peux en citer un magnifique exemple d'un livre offert par mon aînée, d'un groupe qui, pour être inclusif, se renomme lui-même (admirable auteur(s)) toutes les trois lignes. Je crois avoir définitivement renoncé avant d'avoir lu la troisième page, un coup d'œil dur les deux cent suivantes m'ayant confirmé que ça continuait tout au long. Mais je ne le cite pas pour ne pas risquer de lui faire de la pub au cas -improbable- ou ces crétins et leurs disciples viendraient inspecter ton blog ! Bisous ma belle !

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    1. Tout à fait d'accord avec toi. Cela devient illisible pour nous qui avons appris l'orthographe et la structure de la langue, au point que je me demande si nous ne finirons pas par ne plus pouvoir être lus et compris. Je doute qu'ajouter l'inclusif à des personnes complètement destructurées ne finissent par les couper de l'écrit. Une langue fonctionne par opposition, nous martelait à la fac notre prof de linguistique.

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