Je poursuis sur l’autofiction ou l’autobiographie, sur cette envie, ce besoin d’écrire pour que les autres lisent ce que nous avons vécu, subi, ressenti avec cette conviction que notre vie est exceptionnelle en évènements. Et ces évènements se doivent d’être malheureux car, c’est bien connu, et Aragon l’a chanté de merveilleuse façon : Les gens heureux n’ont pas d’histoire.
Ce
désir d’écrire sa vie, je l’ai rencontré, enfant, chez Nana, ma grand-mère
maternelle, déformation de Nané dans ma bouche d’enfant, encore ignorante de l’œuvre
de Zola. Or Nana était une femme en avance sur son temps, de mœurs plutôt
libres. Elle avait passé son enfance dans un trou des Pyrénées, au sens
littéral du terme : Saint-Béat, sur les bords d’une torrentueuse Garonne
cernée de montagnes, dont la principale ressource provenait des carrières de
marbre. L’hiver on devait s’y geler. Nana, devenue vieille, répétait qu’elle en
avait soupé de la citrouille que les pauvres s’enquillaient à chaque repas.
Qu’aurait-elle pensé d’Halloween ? Mais Nana n’était pas destinée à moisir
sur le brouillard de Garonne et s’en retourna à Toulouse où le destin la dota
d’un mari en route pour l’Espagne, un ancien pauvre se hissant à la force du poignet
et des neurones, pour y bâtir, non des châteaux, mais des usines. Et le
Naturalisme prit un virage picaresque.
Nana,
quoique dotée d’une belle plume, ne grava jamais sa vie dans le marbre de
Saint-Béat ni sur du papier brouillon. À moi, sa petite-fille préférée,
d’écrire l’histoire sur fond de révolution industrielle.
Car
l’intérêt pour moi, locomautrice du 21ème siècle, réside dans l’air
du temps où se mêle au parfum capiteux des toilettes le panache des locomotives
à vapeur s’ébrouant de Matabiau et la fumée des hauts-fourneaux.
Et
puis c’est une façon de ressusciter nos chers disparus, ces fantômes qui
cheminent à nos côtés et nous font digérer les cahots et autres nids de poule.
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