Quand
le livre est tiré, il faut le vendre. Plus fastoche de descendre un Mont
Ventoux (le vin) ou même de le grimper (le col) que de faire baisser la pile de
livres sur la table de dédicace. Un talent de bateleur peut faire d’un auteur
inconnu une perle rare que s’arracheront les libraires. L’exercice est ardu, personnellement
me paraît monumental : exaltant quand il est réussi, décourageant quand sèche
le stylo. Pourtant, j’y ai récolté, parmi la tourbe, quelques diamants
étincelants.
C’est
lors d’un salon du livre que j’ai fait la connaissance de Nathalie
Glévarec et d’Eva
Kopp.
Remontons
le fil jusqu’en l’an I. Première dédicace de mon 1er roman, Diabolo pacte. Je me suis déplacée dans
le Tarn et Garonne, à librairie
presse de Caussade. Et elle se tient devant moi, ma toute première fois, au
moins aussi intimidante que les autres. Elle s’appelle Hubert, avant d’être à
la retraite occupa le poste de fossoyeur et, non content d’être ma toute
première dédicace, persuada une cliente de tenir le rôle de la deuxième. Un
fossoyeur comme première signature augurait-il d’une mise en terre de mes espérances ?
Le
samedi d’après, à Ax-les-Thermes, elle riait comme une bossue devant la
quatrième de couverture cette dame d’un certain âge qui déplorait :
―
Je suis une retraitée pauvre.
Je
suis en effet entrée sur le marché du livre dans la foulée de la crise des
subprimes.
Je
me souviens de ma première radio, FMR, une radio de jeunes, où je me suis sentie
à l’aise pour présenter mon Diabolo
pacte après que mon interviewer se fût quelque peu égaré. Tout micro éteint,
il m’a prié de l’excuser, alors que j’étais loin de regretter un dérapage
épiçant l’interview :
―
Je suis plus à l’aise avec les écrivains morts.
Passons
à la vitesse supérieure : ma première télé avec l’excellent Greg Lamazères
de la regrettée chaîne Télé Toulouse. Maquillée comme une star, étouffant de
trac, je fais connaissance de Michel Baglin, journaliste
à la Dépêche du Midi, poète, nouvelliste et romancier. Je croiserai Michel
plusieurs fois. Des mois plus tard, alors que j’étais en quête d’un éditeur
pour mon 2ème roman, Elwig de
l’Auberge Froide, il m’a confié qu’il avait eu un temps les honneurs de la
presse nationale et cru que le succès pointait le bout de son nez. Et puis,
Pschitt ! J’ai encore en tête son conseil :
―
Il faut écrire parce qu’on aime ça.
Michel
est parti en 2019, le 8 juillet, 4 jours après ma mère, de 20 ans son aînée.
Donc
premier passage à la télé dont je récolterai les fruits. J’entendrai, derrière
ma pile de Diabolo pacte, la formule
magique :
―
Je vous ai vu à la télé. Puis-je avoir une dédicace ?
Plus
de télé mais le covid, le pass sanitaire qui devient vaccinal. La semaine où je
devais passer à la radio et présenter Poussière
de sable, l’épopée euskalienne, lors d’un dîner littéraire, et passer sur
les ondes de Radio Occitanie est la première de deux mois de confinement.
L’année d’après, mon éditeur et moi-même travaillons à la publication de Poussière de sable, Légendes ourdiniennes. Privée
de salons et de dîners, je décide de concrétiser un projet de longue
date : mon site internet. Finalement, j’opte pour Blogger, libre de pubs,
avec un blog où je parlerai à mes lecteurs, anciens et peut-être futurs. Il
m’est en effet plus facile de communiquer derrière l’écran blanc de mes humeurs,
noires ou roses, que derrière une table.
Une
question me tarabuste depuis longtemps : L’auteur est-il le plus à même de
parler du contenu de son livre ? Proche de la transe, j’ai la sensation
que ce que j’écris me passe au-dessus de la tête. Mes personnages s’emparent de
leur destin en interaction les uns avec les autres. Mes lecteurs y voient mille
choses dont je n’ai pas conscience. Suis-je la mieux placée pour en
parler ? J’avoue que je demeure dans le brouillard. Ce que je peux dire
c’est que quand on s’arrête devant ma table et me demande une dédicace, il fait
très beau.
Salon du livre de Paris |