Dernier article du dessous de mes pages, en l’occurrence des pages de Coup de grain, 10 nouvelles inspirées du réel : deux d’entre elles parlent littérature et des heurs et malheurs de l’écrivain. C’est dire si je me suis sentie concernée.
Triste Trieste est née d’une scène de
rue survenue dans Trieste, point de départ d’un périple cycliste à travers les
Balkans : un jeune homme déambule, un pull bleu sur les épaules, le pull
glisse et tombe à terre, un passant le ramasse et le jeune homme s’en saisit
gracieusement, à la limite de la danse. Bien plus tard, l’idée de la nouvelle a
jailli : l’héroïne, écrivain célèbre à l’orée de la soixantaine, se remet
péniblement de la perte de son mari. Traduite en italien, elle débute à Trieste
une tournée de dédicaces à travers la Péninsule. Encore dans le tunnel du
chagrin, elle aperçoit le soleil en la personne d’un jeune homme qui laisse
tomber son pull ciel marine.
Traduite,
célèbre, vous vous doutez bien que ce n’est pas de l’autobiographie. J’étais
même épargnée par la soixantaine et le malheur d’un veuvage. Je dirais que
j’étais dans un transfert de biographie et relatais une situation à laquelle
j’aspirais (en excluant le veuvage) : la reconnaissance littéraire.
Faisant même allusion à mon 2ème roman qui m’aurait fait admettre
dans la cour des grands. Toujours est-il que je me suis bien marrée en
l’écrivant. Être
la cible de ses propres flèches, quel exercice jouissif !
La
deuxième, qui clôt le recueil, est plus autobiographique et axée sur les
malheurs des postulants à la publication. La première phrase m’est venue à la
cantine. Devant un plat en sauce dans lequel figuraient de coriaces carottes,
j’ai tenté une plaisanterie : ici,
c’est le seul endroit où les carottes ne sont pas cuites. Mes collègues
ayant ri, je me suis autorisée, plus tard, à vous la servir et clore ma carte
par La carotte et le pilon. Le
lecteur découvre notre parcours du combattant et les candidats à l’édition
peuvent s’y reconnaître.
Voici un extrait : Entre la
sortie de mon premier livre et la publication du suivant, la bourse de mes
éventuels lecteurs s’était encore aplatie. Les mœurs s’étaient adaptées.
Désormais, on se meublait et s’équipait dans les vide-greniers, on se fringuait
dans les friperies et, naturellement, on se cultivait pour pas un rond ou
presque dans les boîtes à lire et les vide-bibliothèques.
Si j’ai choisi cet extrait, c’est parce qu’il m’est revenu en mémoire lors d’une séance de dédicaces dans un supermarché. On croise en ces lieux un public qui n’est pas exclusivement intéressé par les livres, à la différence des librairies, espaces culturels Leclerc, FNAC et Cultura. J’exposais un roman nouvellement primé, Diabolo pacte, 20 € et un recueil de nouvelles, Coup de grain, qui bénéficie de bons retours de lecture et dont le prix est modique car telle est la politique des éditions Auzas. Un prix magique sous la barre des 10 € : 9 €. Une jeune employée est intéressée, mais c’est encore trop cher ! Plus tard c’est une dame plus âgée qui me confie, alors que je lui dédicace Diabolo pacte, qu’avec l’inflation il lui est de plus en plus ardu de rassasier sa boulimie de lecture. Une autre m’a avoué qu’elle achetait les livres dans les vide-greniers.
Je n’ai pas osé leur demander si elles se fringuaient dans les
friperies. Ce fut, malgré la crise,
une belle journée de dédicaces.
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