Ce que j'écris, pourquoi, pour qui et les surprises de mon parcours littéraire

vendredi 2 septembre 2022

La langue et le territoire

Quand on voyage à vélo, on ne se contente pas d’appuyer sur les pédales. Il y a la carte, le territoire et ceux qui le peuplent. Et, loin des voyages organisés où rouler et faire étape en peloton de Français n’incline pas à l’échange avec les autochtones, le cyclo-routard solitaire ou en couple, lui, leur adresse la parole et répond à leurs questions. Étudions le cas des périples circonscrits dans le domaine européen et le constat s’abat très tôt sur nos casques : le français perd du terrain, y compris dans les pays francophiles comme la Roumanie. À Constanta (prononcer Constantza), au bord de la mer Noire, la réceptionniste d’un 3-étoiles nous a demandé si nous parlions une langue normale, c’est-à-dire l’anglais.

Vous objecterez que pareille réflexion n’a rien à faire sur un blog littéraire. Eh bien, si ! Lorsque je voyage sur les sites Internet de maisons d’édition censées publier en français des œuvres d’auteurs français ou étrangers, la surprise est au coin du clic. Les indications des lignes éditoriales regorgent de termes dont le sens saute aux yeux – ou pas, selon son niveau en globish : dark romance, feel good, young adult, etc.

Nous sommes loin de l’époque où l’Angleterre empruntait outre-manche son vocabulaire et où le roi Richard Cœur de Lion versifiait dans la langue des troubadours. Où conter fleurette nous revint en plein flirt. Un prêté pour un rendu, en quelque sorte, ainsi vont les échanges linguistiques.

Depuis quelque temps je découvre, sur les mêmes sites, l’avancée de l’inclusif. Je fais du copier-coller, tant l’exercice me paraît ardu quand on a été formé à la règle selon laquelle en français le neutre se traduit par le masculin. Certes l’énoncé pouvait prêter à polémique : le masculin l’emporte sur le féminin. Donc pour désigner les auteurs, je copie-colle : auteur.trices. Et j’en ai vu de plus compliqués avec des points en veux-tu en voilà.

Le terme d’autrice a pris comme un feu de bois sec. Je ne l’emploie pas à mon endroit, lui préférant romancière ou, plus flatteur, locomautrice, cette folle inspirée dont les écrits vous entraînent.

Bref, le principal, qu’on soit auteure, autrice, auteresse, auteureuse, étant d’avoir des lectrices et des lecteurs.

Une route en plaine valaque (Roumanie)


 

dimanche 24 juillet 2022

Une étape à Bourg Saint-Maurice

Voilà trois ans que Poussière de sable était sur le métier. J’avançais, j’avançais avec une lenteur de tortue sûre de mordre au bout de la course dans sa feuille de batavia. J’avançais lentement, à l’allure où mon vélo montait les cols alpins en ce mois de juin. De Cannes à Thonon-les-Bains la route Napoléon est longue mais magnifique. Il faut dire qu’après l’ascension de la Bonnette et une nuit de repos, nous nous étions enfilés le Vars puis l’Izoard. Dans le tunnel du Montgenèvre, soudain privée de lumière, j’ai dû mon salut à un routier sympa qui a ralenti pour m’éclairer pleins phares jusqu’à la sortie. Après l’ascension du Mont- Cenis, nous voilà à Bessans, au pied de l’Iserans qui, selon le panneau, serait fermé. Que faire ? Des motards qui en descendent nous affirment qu’on peut passer, sauf qu’au sommet l’Équipement n’a pas déblayé volontairement sur une vingtaine de mètres. Casse-croûte en cours d’ascension, puis nous roulons entre les congères qui s’élèvent de part et d’autre de la route. Comme prévu, nous poussons nos machines sur quelques mètres pour franchir le col puis nous abordons, vêtus chaudement, la longue descente sur Val d’Isère où, laissant tomber nos gants de ski, nous déjeunons au restaurant. L’étape du soir se fera à Bourg-Saint-Maurice, à l’hôtel de la Colonne. Dès l’entrée, une photo montrant un couple médiatique interpelle. À l’époque, Hervé Gaymard était ministre de l’agriculture sous la présidence de Jacques Chirac et son épouse, Clara, fille du professeur Lejeune, généticien célèbre et connu pour son hostilité à l’interruption volontaire de grossesse. Ce sont des amis du patron de l’hôtel car Hervé Gaymard est né à Bourg-Saint-Maurice. J’ignore encore qu’à l’automne de cette année-là je verrai de mes propres yeux le visage halé d’Hervé Gaymard lors de circonstances tragiques : les obsèques de 2 collègues abattus à coups de fusil par un arboriculteur de Dordogne lors d’un contrôle de travail dissimulé. L’inspection des lois sociales agricoles dépendait alors du ministère de l’agriculture.

Mais, en cette fin d’après-midi de juin, nous profitons d’un apéritif agrémenté de chips de maïs trempées dans le guacamole. Mais passons au plat de résistance car, jusqu’à présent, le pourquoi de ce récit n’a apparemment rien à voir avec le stylo mais tout avec le vélo et le boulot. C’est que la conversation prend un tour singulier : le patron, Jean-Luc Favre, est avant tout écrivain. Certes, moins connu que Musso, Lévy & Cie qui, eux, n’ont pas la singularité de tenir un hôtel.

On lui glisse à l’oreille que j’écris et sa réaction est immédiate :

― Vous êtes publiée ?

― Non, pas encore, j’écris dans l’ombre.

Poussière de sable ne sera en effet achevé que l’année suivante. Ce que je savais déjà vient de m’être confirmé : sans la reconnaissance du milieu, pas d’écrivain. Mais, tomber sur un tenancier d’hôtel qui est un écrivain publié, ne suffisait pas. Comme je mentionne que je fais dans la science-fiction, le serveur met son grain de sel : il est en train d’écrire un mémoire sur les lecteurs de SF. Je prends la coïncidence comme un heureux présage (Jung parlerait de synchronicité).

Il faudra quand même des lustres pour que Poussière de sable trouve son éditeur (il est vrai, après 2 publications en littérature générale). Il y a belle lurette qu’Hervé Gaymard n’est plus ministre. Et, en rédigeant cet article, j’ai appris que 3 mois seulement après mon passage à Bourg-Saint-Maurice, avec un vélo lesté de sacoches et de rêves, l’hôtel de la Colonne fermerait définitivement ses portes.


jeudi 14 juillet 2022

Sabine Barbier qui m’a ouvert la Chaumière des Mots

Si la curiosité vous a poussé à glaner quelques articles du blog, vous aurez compris que je n’en ai pas que pour le livre et le vélo. Il y a des rencontres dans la vraie vie. Qu’est-ce qu’une route sans compagnon de route ? Un désert de solitude. Que vaut le papier quand l’encre ne draine pas du sang, de la sueur et des larmes ? Un arbre abattu pour que dalle et qui aurait été plus utile à absorber le CO2. En effet, le carbone n’a pas que du mauvais quand, par la grâce de la photosynthèse, il met la planète au vert.

Commençons par le commencement. Sur les conseils de mon premier éditeur je me suis inscrite sur facebook, histoire d’avoir un réseau. En effet, certains de mes lecteurs ont connu Diabolo pacte via les posts de Nicolas Grondin. Ma liste d’amis FB s’allonge. Je lis le fil d’actualité et, un beau jour, je tombe sur l’invitation d’une Nancéenne, Sabine Barbier, à prendre rendez-vous avec elle le long des étapes d’un voyage qu’elle effectuera dans le Sud avec sa fille. Je trouve la démarche tellement sympa que je réponds et c’est ainsi que nous prendrons un pot ensemble place du Capitole. Un courant de sympathie passe entre Sabine et moi, ce qui n’est pas toujours évident quand le virtuel est confronté au réel. Samantha, sa fille, avait 13 ans à l’époque, ce qui ne nous rajeunit pas, mais déjà lectrice et passionnée d’écriture.

Car notre amitié facebookienne était née d’un intérêt commun pour le livre, ceux qui les lisent étant parfois désireux de connaître ceux qui les écrivent, ces derniers n’étant rien sans ceux qui lisent. À l’époque, Sabine avait une activité de correctrice dans l’édition, activité bien nommée car la moindre correction vis-à-vis du lecteur consiste pour un auteur à rendre une copie la proche de l’impossible perfection. Chroniquait aussi ses lectures dans un blog qu’elle avait fort joliment baptisé la Chaumière des Mots. Le mot est lâché. À mes yeux, les mots pansent les maux en les pensant. J’ignore si j’ai fini par guérir des miens mais ce que je sais c’est que l’écriture est ma drogue, ma ligne, comme il est annoncé sur mon profil FB.

À l’époque, j’étais entre deux livres, situation moins grisante que d’être entre 2 vins. Mon éditeur en faillite, j’étais forcée de m’en trouver un autre. Bref, je galérais pour faire publier mon 2ème roman, Elwig de l’Auberge Froide. C’est peu de dire que j’avais le moral dans les chaussettes. Une lettre de refus de la part d’un éditeur ne le remonte que rarement. Quand Sabine m’a proposé de lire mon manuscrit, j’ai aussitôt accepté. Son retour positif – Une histoire passionnante que j’ai dévorée – et ses conseils m’ont encouragée juste au moment où j’étais tentée de jeter l’éponge. Un geste que j’aurais pu regretter car, 8 ans après sa parution, Elwig de l’Auberge Froide n’a pas subi le pilon et trouve preneur si j’en crois les éditions Pierre Philippe qui n’a aucune raison de mentir sur le sujet.

Les critiques et chroniques, rédigées notamment dans la Chaumière des Mots, n’y sont peut-être pas étrangères.

La vie a continué avec ses joies et ses malheurs. Sabine a déménagé de Nancy à Épinal dans les Vosges. Je suis restée à Toulouse mais, après avoir retravaillé mon premier essai romanesque, Poussière de sable, j’ai signé chez un éditeur lorrain spécialisé dans les littératures de l’imaginaire, RroyzZ éditions. Or, pour ceux qui l’ignorent, se tient à Épinal un festival international des littératures de l’imaginaire, les Imaginales, où chaque année RroyzZ éditions tient son stand. L’occasion de faire d’une pierre deux coups, voire trois : rencontrer dans la vraie vie Emmanuel Millet, mon éditeur, revoir Sabine Barbier, et présenter Poussière de sable à un public amateur du genre. J’avoue qu’en 2022 j’ai renoncé, étant peu à l’aise derrière une table de dédicaces. Mais, les retours de lecture positifs aidant, j’ai évolué : surmonter mes craintes et tenter le coup en mai 2023. D’autant plus qu’après L'épopée euskalienne et Légendes ourdiniennes, le 3ème volet est fin prêt.

Plus de 10 ans auront passé depuis ma rencontre dans la vraie vie avec Sabine mais qu’est-ce que le temps pour un addict de science-fiction, qu’on la lise ou qu’on l’écrive ? Une notion qui réserve bien des surprises pourvu qu’on dépasse les apparences.




jeudi 7 juillet 2022

Mouiller la chemise

 Il ne suffit pas de noircir des pages, d’imprimer, de s’exprimer. Pour qu’elles soient lues, ces pages, encore faut-il qu’elles soient diffusées, commentées… C’est le boulot de l’éditeur, me direz-vous. Mais, comme le disait mon premier éditeur, Nicolas Grondin, l’auteur doit mouiller la chemise. Blanche au départ, grise de sueur à la fin, vu le challenge. Il y a loin de la coupe aux lèvres et de l’auteur au lecteur, sauf quand l’auteur porte un nom célèbre.

Donc, depuis 13 ans, sauf arrêt de la promo pour cas de force majeure, je mouille la chemise. En août 2009 je me suis transformée en VRP des éditions L’Arganier et de Diabolo pacte, entrant dans les librairies, l’argumentaire de mon éditeur à la main, en quête de séances de dédicaces, sollicitant les organisateurs de salons, les organes de presse, etc.

13 ans plus tard, constatant que mouiller la chemise ne rapporte pas à tous les coups, j’ai décidé de joindre le loisir au devoir : je mouille le maillot cycliste en me disant qu’au moins j’aurais eu le plaisir du pédalage. Je vous livre deux séances de cyclopromo.

Villefranche-de-Lauragais est idéalement situé sur le canal du Midi. Le trajet s’effectue soit par les coteaux soit par la piste cyclable bordée de platanes un temps donnés pour morts mais finalement ressuscités avec leurs frondaisons dispensatrices d’une ombre bienfaisante par temps de canicule. Il fait en effet une température à tomber la chemise mais la mairie organise un salon du livre auquel je voudrais bien être invitée. Service de presse et catalogue de RroyzZ éditions sont remis en mains propres puis c’est le moment du restaurant Logis de France qui vaut le détour.

Poursuivant sur ma lancée, catalogue et service de presse dans la sacoche, je m’élance vers Saint-Orens-de-Gameville où s’est ouvert une nouvelle librairie indépendante, Des livres et vous. L’aimable jeune libraire me remercie du service de presse, un exemplaire de Poussière de sable, Légendes ourdiniennes. Je m’empresse de préciser :

Ainsi vous pourrez apprécier sur pièce ce que j’écris. Je vous rassure, je ne viendrai pas à la dédicace en tenue cycliste.

Quoique. Lors d’un salon du livre, une lectrice est venue me demander Elwig de l’Auberge Froide, tout simplement parce que dans ma biographie figurait le haut fait que j’avais suivi le cours du Danube à vélo jusqu’en Ukraine et qu’elle devait effectuer le périple avec son mari.

Dédicacer en cuissard, stylo au bout des mitaines cyclistes, serait original. En prenant garde que la chemise, la fameuse chemise trempée de la sueur du colporteur ne dégage un fumet prompt à incommoder le nez délicat des lecteurs. Peut-être faut-il écrire colportrice Je me vois traîner une malle de voyageur de commerce alors que ma vocation consiste à colporter des histoires quand je ne les invente pas.

Entre Toulouse et Villefranche-de-Lauragais


vendredi 24 juin 2022

Page blanche

En sommeillant, entre 2 lignes (de coke), sur des lauriers qui n’ont pas eu le temps de flétrir ni d’éclore, je n’ai jamais, au grand jamais, été saisie du cauchemar censé tourmenter les femmes et les hommes de plume : la page désespérément blanche, la panne d’inspiration. Moi, connais pas. L’écran de mon ordi se couvre sur commande de mots, de phrases, de paragraphes, de chapitres qui s’enchaînent jusqu’au mot fin, là où commence une autre histoire : se faire publier, puis toucher la presse, les libraires et les organisateurs de manifestations littéraires. Bref, ce qui s’appelle courir après l’éditeur, courir après le lecteur. Dans ce domaine, je suis une coureuse de fond.

Mais avant, lors de la phase création, je n’ai jamais haleté le long de la marge, un bidon vide à la main, guettant le mirage d’une station-service providentielle. J’ai l’impression d’être branchée 24 heures sur 24 sur une pompe à idées. Il m’en vient dix à chaque pas. C’est une question d’exercice : des idées, plus on en a, plus on en trouve.

Un jour, alors que mon Diabolo pacte n’était pas encore publié, mon parrain littéraire, Jean-Claude Ponçon, me raconte une histoire autour du sujet de ce qui n’était pas encore un livre :

― Il (le candidat à la publication) écrit à tout le monde, aux notaires, etc.

Et de conclure :

― Je vous donne une idée.

Nous n’en étions pas encore arrivés au tutoiement. Je n’ai pas relevé, n’ayant nul besoin des idées des autres, fussent-ils écrivains reconnus. Car, pour qu’elle fasse œuvre d’art, cette idée, faut-il encore qu’elle fasse nécessité dans l’intimité de l’auteur.

La création, c’est-à-dire puiser dans son imaginaire des idées et des histoires, est source d’immenses joies. C’est ma raison d’être d’écrivain. À ce stade-là, je me préoccupe peu de savoir s’il y aura un éditeur, un lectorat, si ce n’est que je ne souhaite pas écrire le même livre que le précédent, étirer un chewing-gum devenu insipide à force d’être mâché. Mais peut-être après tout que le lecteur, fidèle à tel auteur, a-t-il envie de retrouver le goût de sa friandise préférée. Écrivant dans des registres différents, notamment de la science-fiction, je ne puis promettre au lecteur qu’il retrouvera dans mon prochain livre ce qui lui avait plu dans le précédent, si ce n’est l’imagination, laquelle est, par définition, imprévisible.

Ces réflexions n’en finissent pas de me donner des idées noires. C’est qu’un livre sans lecteur est lettre morte, une idée qui n’est pas partagée une idée en l’air.

À propos de partage, ce blog ne demande qu’à l’être : partagé. Certes, un excellent exercice qui m’oblige chaque semaine à renouveler mon inspiration mais, sur le fond, le moyen de dévoiler, petit bout par petit bout, mon vécu d’écrivante. Novlangue, quand tu nous tiens !



  

samedi 18 juin 2022

La roue tourne

Le vélo mène à tout, y compris aux journalistes, pour peu qu’on emprunte les bonnes routes, friandes de haies et de fossés, avares de véhicules motorisés, avec en point de mire le clocher de charmants villages.

C’était l’été, celui qui allait se terminer par le début d’une aventure : celle du 1er roman publié. Diabolo pacte était en cours de fabrication et, ce mois d’août, j’écumais les libraires de la région toulousaine, débordant sur les départements limitrophes, en quête de séances de dédicace.

C’était un dimanche. En duo, nous avons franchi le Tarn, la rivière, et montions en pente douce vers Salvagnac, première étape sur la route des bastides. Chaque fois, un grand bonheur d’apercevoir sous un azur de carte postale les bâtisses hésitant entre le rose et l’ocre couronnées de tuiles romaines ! Nos vélos sont sur la crête et, à notre droite, un espace couvert de gazon accueille des tables. Sur l’une d’elles, des livres se posent sur de petits chevalets. Nous approchons, posons nos vélos. C’est ainsi que nous fîmes connaissance de Jean-Jacques Rouch. Nous découvrons les titres des romans que nous lirons par la suite : Les yeux d’Izarn, Le maître du safran. Car Jean-Jacques Rouch est écrivain. Ma chance d’être deux face à la table c’est que je suis dispensée de parler de la sortie prochaine de Diabolo pacte. C’est Jean-Paul qui met le sujet sur le tapis. Jean-Jacques Rouch me propose alors de lui amener mon livre à la Dépêche du Midi pour un éventuel article si le livre lui plaît.

Je l’ignore mais je suis en train de charger mon porte-bagage d’un sacré avantage : à l’automne, Jean-Jacques m’annoncera au téléphone :

J’ai beaucoup aimé votre bouquin.

Et j’aurai des articles. Que les auteurs qui désespèrent en ces termes :

Avoir de la presse ne fait pas vendre.

Que ceux-là se rassurent :

N’avoir aucune presse ne fait pas vendre davantage.

Je rencontrerai à maintes reprises Jean-Jacques, parfois avec son frère en journalisme, Michel Baglin. Lors de mon premier salon du livre, où nous devions tous deux être primés, mon amie Claudine devait retrouver Jean-Jacques, un ancien camarade du lycée Raymond Naves. Quelques jours plus tard, il serait sur son palier, casque sous le bras (Jean-Jacques circulait à scooter) pour lui dire que la Dépêche n’avait pas encore fait passer l’article sur sa copine. Je me souviens de la réaction de Claudine, déplorant avoir raté sa vie en ne faisant paraître aucun livre. J’ajouterai un bémol : avant de publier, il faut quand même avoir écrit et, pour écrire, en sentir la nécessité. En l’absence de cette dernière condition, on n’a rien manqué du tout.

Avant d’envier les gens, il faudrait envisager ce que la vie leur réserve.

Car la vie est chienne, frétillante de la queue, tout sourire, puis montrant brusquement les crocs. La maladie allait planter les siens dans les os de Jean-Jacques avant de l’emporter en 2016.

Quant à moi, je demeure fidèle au guidon. En pédalant, surtout dans les difficultés, j’oublie les sujets qui fâchent et me dis que c’est merveille de conserver une santé à même de me propulser en haut des cols. Quant à la littérature, je ne trouve nullement matière à me pousser du col.

Salvagnac dans le Tarn



lundi 6 juin 2022

Plaisirs de table

Quand le livre est tiré, il faut le vendre. Plus fastoche de descendre un Mont Ventoux (le vin) ou même de le grimper (le col) que de faire baisser la pile de livres sur la table de dédicace. Un talent de bateleur peut faire d’un auteur inconnu une perle rare que s’arracheront les libraires. L’exercice est ardu, personnellement me paraît monumental : exaltant quand il est réussi, décourageant quand sèche le stylo. Pourtant, j’y ai récolté, parmi la tourbe, quelques diamants étincelants.

C’est lors d’un salon du livre que j’ai fait la connaissance de Nathalie Glévarec et d’Eva Kopp.

Remontons le fil jusqu’en l’an I. Première dédicace de mon 1er roman, Diabolo pacte. Je me suis déplacée dans le Tarn et Garonne, à librairie presse de Caussade. Et elle se tient devant moi, ma toute première fois, au moins aussi intimidante que les autres. Elle s’appelle Hubert, avant d’être à la retraite occupa le poste de fossoyeur et, non content d’être ma toute première dédicace, persuada une cliente de tenir le rôle de la deuxième. Un fossoyeur comme première signature augurait-il d’une mise en terre de mes espérances ?

Le samedi d’après, à Ax-les-Thermes, elle riait comme une bossue devant la quatrième de couverture cette dame d’un certain âge qui déplorait :

Je suis une retraitée pauvre.

Je suis en effet entrée sur le marché du livre dans la foulée de la crise des subprimes.

Je me souviens de ma première radio, FMR, une radio de jeunes, où je me suis sentie à l’aise pour présenter mon Diabolo pacte après que mon interviewer se fût quelque peu égaré. Tout micro éteint, il m’a prié de l’excuser, alors que j’étais loin de regretter un dérapage épiçant l’interview :

Je suis plus à l’aise avec les écrivains morts.

Passons à la vitesse supérieure : ma première télé avec l’excellent Greg Lamazères de la regrettée chaîne Télé Toulouse. Maquillée comme une star, étouffant de trac, je fais connaissance de Michel Baglin, journaliste à la Dépêche du Midi, poète, nouvelliste et romancier. Je croiserai Michel plusieurs fois. Des mois plus tard, alors que j’étais en quête d’un éditeur pour mon 2ème roman, Elwig de l’Auberge Froide, il m’a confié qu’il avait eu un temps les honneurs de la presse nationale et cru que le succès pointait le bout de son nez. Et puis, Pschitt ! J’ai encore en tête son conseil  :

Il faut écrire parce qu’on aime ça.

Michel est parti en 2019, le 8 juillet, 4 jours après ma mère, de 20 ans son aînée.

Donc premier passage à la télé dont je récolterai les fruits. J’entendrai, derrière ma pile de Diabolo pacte, la formule magique :

Je vous ai vu à la télé. Puis-je avoir une dédicace ?

Plus de télé mais le covid, le pass sanitaire qui devient vaccinal. La semaine où je devais passer à la radio et présenter Poussière de sable, l’épopée euskalienne, lors d’un dîner littéraire, et passer sur les ondes de Radio Occitanie est la première de deux mois de confinement. L’année d’après, mon éditeur et moi-même travaillons à la publication de Poussière de sable, Légendes ourdiniennes. Privée de salons et de dîners, je décide de concrétiser un projet de longue date : mon site internet. Finalement, j’opte pour Blogger, libre de pubs, avec un blog où je parlerai à mes lecteurs, anciens et peut-être futurs. Il m’est en effet plus facile de communiquer derrière l’écran blanc de mes humeurs, noires ou roses, que derrière une table.

Une question me tarabuste depuis longtemps : L’auteur est-il le plus à même de parler du contenu de son livre ? Proche de la transe, j’ai la sensation que ce que j’écris me passe au-dessus de la tête. Mes personnages s’emparent de leur destin en interaction les uns avec les autres. Mes lecteurs y voient mille choses dont je n’ai pas conscience. Suis-je la mieux placée pour en parler ? J’avoue que je demeure dans le brouillard. Ce que je peux dire c’est que quand on s’arrête devant ma table et me demande une dédicace, il fait très beau.

Salon du livre de Paris


L’écriture, un effeuillage mental ?

Drôle d’émotion qui m’étreint à la veille de la parution du recueil de mes poèmes de jeunesse, Mon opium est dans mon cœur. Pour une fois, j...